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semble baisser la hanche en cheminant, & traîne toute la partie lésée. Quelques personnes examinent s’il tourne la croupe en trotant ; mais ce signe est équivoque dans cette circonstance, & n’est univoque que dans celle des efforts de reins.

Celui du jarret ne peut naître que d’une flexion ou d’une extension forcée ; car il s’agit ici d’une articulation par charniere, & conséquemment cette partie n’est capable que de ces deux mouvemens. Les ligamens antérieurs ou postérieurs, le ligament capsulaire & les différens tendons auxquels elle livre un passage, & qui s’y arrêtent, pourront avoir été distendus ; & nous ajoûterons, en ce cas, à toutes les autres causes des efforts dont nous avons parlé, celle qui résulte de la contrainte dans laquelle on n’assujettit que trop souvent les chevaux, dans le travail ou autrement, à l’effet de les ferrer.

L’enflure, la douleur, la claudication, l’action de traîner la jambe, de s’y appuyer foiblement, la chaleur de la partie, sont les symptomes les plus ordinaires de l’affection dont il s’agit.

Souvent aussi la corde tendineuse qui répond au jarret, & qui est connue par tous les maréchaux sous le nom de gros nerf, essuie elle seule un effort. Il faut m’expliquer plus clairement. Le muscle sublime où le perforé s’attache supérieurement au fémur entre les deux condyles au-dessous des jumeaux. Il se termine bien-tôt en un tendon assez fort qui se porte en-dessus, & passe sur le tendon de ces mêmes jumeaux pour gagner la tête ou la pointe du jarret. Là il s’élargit & forme une espece de poulie, qui dans les mouvemens de cette partie, glisse sur cette pointe. Ce que les maréchaux & une multitude de prétendus savans qui nous accablent, appellent gros nerf, est donc une partie composée des tendons dépendans des jumeaux & du sublime : ils forment une espece de corde qui peut être comparée au tendon d’Achille, & qui sera susceptible d’effort toutes les fois qu’il arrivera à ces muscles une contraction assez violente pour produire une rupture ou une forte distension dans les fibres musculaires & tendineuses. Ces accident aura lieu, par exemple, lorsque les mouvemens de l’animal seront d’une véhémence extrème, lorsqu’il éparera avec trop de force, comme aussi dans une falcade précipitée, dans un tems où le cheval, trop assis, sera prêt à s’aculer : dans toutes ces actions également forcées, les fibres portées au-delà de leur état naturel, perdront leur ressort & leur jeu, les filamens nerveux seront tiraillés ; delà l’engorgement & la douleur, engorgement attendu le relachement des parties, douleur ensuite du tiraillement des nerfs, & conséquemment difficulté & quelquefois impuissance dans le mouvement ; ce qui se manifeste encore par l’inspection de la jambe ou du canon qui demeure comme suspendu, & qui ne peut se mouvoir lorsque le cheval range sa croupe.

Les efforts du grasset ne trompent que trop fréquemment ; ils ont souvent été confondus avec les efforts de la cuisse. Ils arrivent plus rarement, & les suites en sont moins funestes que dans d’autres articulations plus serrées & dont les ligamens sont plus nombreux. Ils ne peuvent être occasionnés que par un mouvement particulier & extraordinaire. La rotule, en effet, n’est point articulée avec les os qu’elle recouvre, c’est-à-dire, avec le fémur & avec le tibia ; elle roule, elle glisse, elle est vacillante, & n’est nullement assujettie que par les tendons des muscles extenseurs de la jambe dans lesquels elle est contenue & comme enchâssée ; de sorte que selon leur contraction & selon que ces tendons l’entraînent & la déterminent, elle change aisément de situation & ne peut faire souffrir aucune distension à ces parties : or dans le cas de l’effort dont nous parlons, la rotule ne doit point être envisagée, l’extension vio-

lente est seulement dans les fibres des ligamens ou

capsulaires ou latéraux, ou dans les fibres mêmes des muscles & des tendons extenseurs : ainsi en rendant à ces fibres & leur ton & leur jeu, l’animal sera bientôt remis. Ce mal s’annonce toujours par le peu de mouvement que l’on observe dans cette partie lorsque le cheval chemine, par la contrainte dans laquelle il est de la porter en-dehors, & par l’obligation où sont les parties inférieures à celle-ci de traîner & de rester en arriere.

En général dans le traitement des efforts, on doit se proposer de ramener les parties lésées à leur ton ; de prévenir l’engorgement des liqueurs dans les tuyaux qui auront souffert de l’extension, de le dissiper, s’il y en a, en facilitant la résolution de l’humeur, & de calmer enfin l’inflammation & la douleur. Les répercussifs sont convenables dès qu’ils sont appliqués sur le champ ; mais ils fixeroient l’humeur & ne pourroient qu’augmenter la douleur & le gonflement, si on les employoit dans le progrès du mal : quant à la saignée elle ne doit jamais être oubliée, & l’on doit ménager prudemment l’usage des émolliens & des résolutifs.

Un simple détour dans les reins peut être guéri par l’eau froide, par de legeres frictions faites avec l’esprit-de-vin, ou l’eau-de-vie & le savon ; mais un véritable effort demande que la saignée soit plus ou moins repétée, & des résolutifs plus forts ; ainsi on frote la partie malade avec l’essence de térébenthine, & l’on charge les reins d’un ciroine, pour me servir des termes de l’art, lequel sera composé de poix blanche, cire neuve, & térébenthine en gomme, parties égales. Souvent la fievre accompagne l’effort : c’est au maréchal à décider sur la multiplication des saignées ; il administrera trois fois par jour des lavemens émolliens, tiendra l’animal au son & à l’eau blanche, lui donnera peu de fourrage, & il terminera la cure par les résolutifs aromatiques, tels que l’origan, le pouliot, la sauge, le romarin, le thim, &c. qu’il fera bouillir dans du gros vin, & dont il lavera le siége du mal plusieurs fois dans la journée, observant alors de faire promener au petit pas de tems en tems l’animal ; & selon les accidens qui auront accompagné celui-ci, on purgera l’animal une fois seulement.

L’effort peut avoir été negligé & mal-traité ; de plus, lorsqu’il a été violent, il est rare que les chevaux n’en ressentent toûjours une impression ; mais les boues & les douches des eaux minérales d’Aix y remédieroient entierement. Voyez Eau envisagée par rapport à ses usages relativement au cheval.

L’effort de la cuisse exige les mêmes soins & les mêmes remedes que celui dont nous venons de prescrire le traitement ; & le ciroine sera appliqué sur l’articulation du fémur avec l’os des hanches, que les maréchaux appellent savamment la noix. Ils y appliquent le feu, ils pratiquent des orties. Voyez Feu, Orties.

L’effort du grasset cede souvent à une saignée, aux résolutifs spiritueux, aromatiques ; & dans le cas où la maladie seroit opiniâtre, on pourroit se conduire par les vûes que nous avons suggérées en parlant des autres.

Celui du jarret mérite beaucoup plus d’attention ; car quelque legers que soient les défauts de cette partie, ils sont toûjours considérables. Un cheval n’est & ne peut être agréable qu’autant que le poids de son corps est contrebalancé sur son derriere, & que ce même derriere supporte une partie du poids de devant & la plus grande charge ; de plus, le mouvement progressif de l’animal n’est opéré que par la voie de la percussion, & la machine entiere ne peut être mûe & portée en avant qu’autant que les parties de l’arriere-main l’y déterminent ; or tout ce qui