Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/442

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les murmures que cela excitoit contr’eux, dès la seconde assemblée qui se tint à Jérusalem, ils instituerent sept diacres qu’ils chargerent de ce soin, afin de vaquer plus librement à la prédication & à la priere. Voyez Diacre.

Quelque tems après l’Eglise commença à posséder des biens-fonds, les uns provenant de la libéralité des fideles, d’autres de l’abdication qu’en faisoient ceux que l’on admettoit dans le ministere de l’église. Il paroît que ce fut sous Urbain I. qui siégeoit en 220, que l’Eglise romaine commença à posséder des terres, prés & autres héritages, lesquels étoient communs, & les fruits distribués pour les gens d’église, les pauvres, & les protonotaires qui écrivoient les actes des martyrs.

Dioclétien & Maximien ordonnerent la confiscation de tous les immeubles que possédoit l’Eglise, ce qui ne fut pourtant pas exécuté par-tout.

Huit ans après, Maxence fit rendre ceux qui avoient été confisqués. Constantin & Licinius permirent à l’Eglise d’acquérir des biens-meubles & immeubles, soit par donation ou par testament.

La paix que Constantin donna à l’Eglise, la fit bientôt croître en honneur, en puissance & en richesses. Les empereurs & autres princes firent des libéralités immenses aux églises ; & les fideles, à leur exemple, donnerent les prémices, les dixmes & oblations, & souvent même leurs immeubles. Les fondations devinrent communes dès le vij. siecle, & elles furent encore faites avec plus de profusion dans les jx. x. xj. xij. & xiij. siecles, dans lesquels plusieurs personnes publierent que la fin du monde étoit prochaine, & par-là jetterent la terreur dans l’esprit des fideles.

L’Eglise ayant été ainsi dotée de quantité de biens-fonds, on fit attention en France & dans plusieurs autres états, que cela mettoit ces biens hors du commerce, & sur-tout depuis l’établissement des fiefs. On considéra que le roi & les autres seigneurs étoient par-là privés de leurs droits ; c’est pourquoi il fut ordonné aux gens d’église & autres gens de mainmorte, de vuider dans l’an & jour leurs mains des fonds qu’ils possédoient. Mais sous la troisieme race de nos rois on commença à leur donner des lettres d’amortissement, en payant au roi un droit pour la main-morte, & un droit aux seigneurs pour leur indemnité.

On leur permit dans la suite, non-seulement de garder les fonds qui leur étoient donnés, mais même aussi d’en acquérir. Cette liberté indéfinie d’acquérir a depuis été restrainte en France, par une déclaration du mois d’Août 1749. Voy. Amortissement & Gens de main-morte.

Tous les biens d’une même église étoient d’abord communs, tant pour le fonds que pour le revenu ; l’évêque en avoit l’intendance, & confioit la recette & le maniement des deniers à des prêtres & diacres, auxquels ils pouvoient ôter cette administration, lorsqu’il y avoit quelque raison légitime pour le faire.

On continua dans l’église d’Orient de vivre ainsi en commun, suivant l’ancien usage : mais dans celle d’Occident on commença vers la fin du jv. siecle à partager les revenus en quatre parts ; la premiere pour l’évêque, la seconde pour le clergé de son église & du diocèse, la troisieme pour les pauvres, & la quatrieme pour la fabrique de l’église. Ce partage fut même ainsi ordonné par le pape Simplicius, qui siégeoit en 467.

Lorsqu’on eut ainsi partagé les revenus, on ne tarda pas à partager aussi les fonds, pour éviter les inconvéniens que l’on trouvoit à joüir en commun. Ce fut-là l’origine des bénéfices en titre, dont il est parlé dès le commencement du vj. siecle. Il est pro-

bable que ce partage fut d’abord fait pour les cures de la campagne, à cause de leur éloignement. Cet exemple fut bientôt suivi pour les églises des villes.

Lorsque l’Eglise commença à posséder des biens-fonds, il lui étoit libre de les vendre ou aliéner autrement ; mais l’abus que quelques pasteurs en firent, engagea les laïcs à défendre ces aliénations. L’empereur Léon, en 470, défendit à l’église de Constantinople toute aliénation. En 483, sous le regne d’Odoacre, Basilius Cecina préfet du prétoire à Rome, ordonna pendant la vacance du siége pontifical, que les biens de l’église romaine ne pourroient être aliénés.

Les trois pontifes suivans ne critiquerent point ce decret ; mais en 502 Odoacre étant mort, le pape Symmaque dans un concile annulla le decret de Basilius, & néanmoins il fut ordonné que le pape ni les autres ministres de cette église ne pourroient aliéner les biens qui lui appartenoient ; mais il fut dit que cela ne regardoit pas les autres églises.

L’empereur Anastase étendit le decret de Léon à toutes les églises subordonnées au patriarche de Constantinople.

Justinien, en 533, ordonna la même chose pour toutes les églises d’Orient, Occident & Afrique, à moins que l’aliénation ne fût pour nourrir les pauvres ou pour racheter les captifs.

Les lois de l’Eglise ont elles-mêmes défendu l’aliénation de leurs propres biens, excepté dans certains cas de nécessité ou utilité évidente pour l’église : c’est ce que l’on voit au decret de Gratien, cause xij. quest. & aux decrétales, tit. de rebus ecclesiæ alienandis, vel non.

Dans les cas même où l’aliénation est permise, elle ne peut être faite sans certaines formalités, qui sont, 1° le consentement de ceux qui y ont intérêt, 2° une enquête de commodo aut incommodo, 3° un procès-verbal de visite & estimation, 4° la publication en justice & dans les lieux voisins, 5° l’autorité de l’évêque ou autre supérieur ecclésiastique, 6° des lettres-patentes du Roi homologuées en la justice royale du lieu.

L’église jouit du privilége des mineurs, desorte qu’elle est restituée contre les aliénations par elle faites sans formalités, & où elle se trouve lésée ; mais le défaut de formalités n’est pas seul un moyen suffisant de restitution : l’église n’est restituée, de même que les mineurs, qu’autant qu’elle est lésée.

Il y a eu dans des tems de trouble beaucoup d’abus commis par rapport aux églises & aux biens qui en dépendent. Charles Martel s’étant emparé du bien des églises, pour soûtenir la guerre contre les Sarrasins, le distribua aux officiers ; c’est de-là que quelques-uns tirent l’origine des dixmes inféodées.

Depuis ce tems on donnoit des abbayes & autres bénéfices à des laïcs, sous prétexte de les tenir en commende, c’est-à-dire sous leur protection.

On faisoit ouvertement commerce des bénéfices, tellement que dans des actes publics des laïcs ne rougissoient point d’avoüer qu’ils avoient acheté une église, comme on voit dans un cartulaire de l’église de Macon, où il est parlé d’une donation de la moitié de l’église de S. Genis, diocèse de Lyon, faite par Erlebade & Gislard, qui étoit, disent-ils, de leur conquêt.

Par une suite de ce desordre on donnoit aussi aux filles en dot des églises, même des cures, dont elles affermoient la dixme & le casuel.

Cependant sous le regne des rois Robert & Henri I, à la sollicitation des papes, tous les biens d’église dont on pût reconnoître l’usurpation, furent rendus par les seigneurs & autres qui en joüissoient.

Pour la conservation des biens de l’église, on ne s’est pas contenté d’en interdire l’aliénation, on a