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des droits d’aides, dont la levée fut ordonnée sur toutes les marchandises & denrées qui seroient vendues dans le royaume, par une ordonnance du roi Jean, du 28 Décembre 1355. Il y avoit bien eu déjà quelques aides ou subventions levées en tems de guerre sur tous les sujets du roi à proportion de leurs biens ; mais ces nouveaux droits d’aides auxquels ce nom est dans la suite demeuré propre, étoient jusqu’alors inconnus.

L’ordonnance du roi Jean porte que pour obvier aux entreprises de ses ennemis (les Anglois), il avoit fait assembler les trois états du royaume, tant de la Languedoïl que du pays coûtumier, que la guerre avoit été résolue dans l’assemblée des états ; que pour faire l’armée & payer les frais & dépens d’icelle, les états avoient avisé que par tout le pays coûtumier il seroit mis une gabelle sur le sel, & aussi sur tous les habitans marchandans & repairans en icelui, il seroit levé une imposition de huit deniers pour livre sur toutes choses qui seroient vendues audit pays, excepté vente d’héritages seulement, laquelle seroit payée par le vendeur ; que ces gabelle & imposition seroient levées selon certaines instructions qui seroient faites sur ce ; que par les trois états seroient ordonnées & députées certaines personnes bonnes & honnêtes, solvables, loyales, & sans aucun soupçon, qui par les pays ordonneroient les choses dessus dites, qui auroient receveurs & ministres selon l’ordonnance & instruction qui seroit sur ce faite ; qu’outre les commissaires ou députés particuliers des pays & des contrées seroient ordonnés & établis par les trois états neuf personnes bonnes & honnêtes, qui seroient généraux & superintendans sur tous les autres, & qui auroient deux receveurs généraux.

Qu’aux députés dessus dits, tant généraux que particuliers, seroient tenus d’obéir toutes manieres de gens de quelque état ou condition qu’ils fussent & quelque privilége qu’ils eussent ; qu’ils pourroient être contraints par lesdits députés par toutes voies & manieres que bon leur sembleroit ; que s’il y en avoit aucun rebelle que les députés particuliers ne pussent contraindre, ils les ajourneroient pardevant les généraux superintendans, qui les pourroient contraindre & punir selon ce que bon leur sembleroit, & que ce qui seroit fait & ordonné par les généraux députés vaudroit & tiendroit comme arrêt de parlement.

Il est encore dit un peu plus loin, que lesdites aides & ce qui en proviendroit ne seroient levées ni distribuées par les gens (du roi) ni par ses thrésoriers & officiers, mais par autres bonnes gens, sages, loyaux, & solvables, ordonnés, commis, & députés par les trois états, tant ès frontieres qu’ailleurs où il conviendroit de les distribuer ; que ces commis & députés jureroient au roi ou à ses gens, & aux députés des trois états, que quelque nécessité qui advînt, ils ne donneroient ni ne distribueroient ledit argent au roi ni à autres, fors seulement aux gens d’armes & pour le fait de la guerre susdite.

Le roi promet par cette même ordonnance, & s’engage de faire aussi promettre sur les saints évangiles par la reine, par le dauphin, & tous les grands officiers de la couronne, superintendans, receveurs généraux & particuliers, & autres qui se mêleront de recevoir cet argent, de ne le point employer à d’autres usages, & de point adresser de mandemens aux députés, ni à leurs commis, pour distribuer l’argent ailleurs ni autrement ; que si par importunité ou autrement quelqu’un obtenoit des lettres ou mandemens au contraire, lesdits députés, commissaires ou receveurs jureront sur les saints évangiles de ne point obéir à ces lettres ou mandemens, & de ne point distribuer l’argent ailleurs ni autrement ; que

s’ils le faisoient, quelques mandemens qui leur vinssent, ils seroient privés de leurs offices & mis en prison fermée, de laquelle ils ne pourroient sortir ni être élargis par cession de biens ou autrement jusqu’à ce qu’ils eussent entierement payé & rendu tout ce qu’ils en auroient donné ; que si par avanture quelqu’un des officiers du roi ou autres sous prétexte de tels mandemens vouloient ou s’efforçoient de prendre ledit argent, lesdits députés & receveurs leur pourroient & seroient tenus de résister de fait, & pourroient assembler leurs voisins des bonnes villes & autres, selon ce que bon leur sembleroit, pour leur résister comme dit est.

On voit par cette ordonnance qu’il y avoit deux sortes de députés élus par les états, savoir les députés généraux, & les députés particuliers ; les uns & les autres étoient élus par les trois états, c’est pourquoi les députés généraux étoient quelquefois appellés les élûs généraux ; mais on les appelloit plus communément les généraux des aides : ceux-ci ont formé la cour des aides.

Les députés particuliers furent d’abord nommés commis, commissaires ou députés particuliers sur le fait des aides : ils étoient commis ou ordonnés, c’est-à-dire élûs par les trois états, c’est pourquoi dans la suite le nom d’élûs leur demeura propre.

On en établit dès-lors en plusieurs endroits du royaume, tant sur les frontieres qu’ailleurs où cela parut nécessaire.

Ils prêtoient serment tant au roi qu’aux états, étant obligés de conserver également les intérêts du roi & ceux des états qui les avoient préposés.

Il ne paroît pas qu’ils fussent chargés de la recette des deniers, puisqu’ils avoient sous eux des receveurs & ministres à cet effet.

Leur fonction étoit seulement d’ordonner de tout ce qui concernoit les aydes, & de contraindre les redevables par toutes voies que bon leur sembleroit ; ils connoissoient aussi alors de la gabelle, du sel, & de toutes autres impositions.

Ces députés particuliers ou élus, avoient pour cet effet tout droit de jurisdiction en premiere instance ; l’ordonnance dont on vient de parler, semble d’abord supposer le contraire en ce qu’elle dit que s’il y avoit quelques rebelles que les députés ne pûssent contraindre, ils les ajourneroient devant les généraux superintendans ; mais la même ordonnance donnant pouvoir aux députés d’ordonner & de contraindre par toutes sortes de voies, il est évident qu’elle entendoit aussi leur donner une véritable jurisdiction, & qu’elle n’attribua aux généraux superintendans que le ressort.

Ce ne fut pas seulement pour les aides qui se levoient sur les marchandises que les trois états élûrent des députés ; ils en établirent de même pour les autres impositions.

En effet, les états tenus à Paris au mois de Mars suivant, ayant accordé au roi une aide ou espece de capitation qui devoit être payée par tous les sujets du roi, à proportion de leurs revenus ; il fut ordonné que cette aide seroit levée par les députés des trois états en chaque pays, la gabelle fut alors abolie : ainsi les élus n’avoient plus occasion d’en ordonner. Les généraux députés de Paris avoient le gouvernement & ordonnance sur tous les autres députés : il devoit y avoir en chaque ville trois députés particuliers ou élus, qui auroient un receveur & un clerc avec eux, & ordonneroient certains collecteurs par les paroisses, qui s’informeroient des facultés de chacun ; que si les députés en faisoient quelque doute, les collecteurs assigneroient ceux qui auroient fait la déclaration, par-devant les trois députés de la ville, lesquels pourroient faire affirmer devant eux la déclaration : mais les collecteurs pou-