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manieres : savoir en or moulu, en or simplement en feuille, & en or haché.

La dorure d’or moulu se fait avec de l’or amalgamé avec le mercure dans une certaine proportion, qui est ordinairement d’une once de vif-argent sur un gros d’or.

Pour cette opération on fait d’abord rougir le creuset ; puis l’or & le vif-argent y ayant été mis, on les remue doucement avec le crochet jusqu’à ce qu’on s’apperçoive que l’or soit fondu & incorporé au vif-argent. Après quoi on les jette ainsi unis ensemble dans de l’eau, pour les appurer & laver ; d’où ils passent successivement dans d’autres eaux, où cet amalgame qui est presque aussi liquide, que s’il n’y avoit que du vif-argent, se peut conserver très-long-tems en état d’être employé à la dorure. On sépare de cette masse le mercure qui n’est point uni avec elle, en le pressant avec les doigts à-travers un morceau de chamois ou de linge.

Pour préparer le métal à recevoir cet or ainsi amalgamé, il faut dérocher, c’est-à-dire décrasser le métal qu’on veut dorer ; ce qui se fait avec de l’eau-forte ou de l’eau seconde, dont on frotte l’ouvrage avec la grate-boësse : après quoi le metal ayant été lavé dans l’eau commune, on l’écure enfin legerement avec du sablon.

Le métal bien déroché, on le couvre de cet or mêlé avec du vif-argent que l’on prend avec la grate-boësse fine ou bien avec l’avivoir, l’étendant le plus également qu’il est possible, en trempant de tems en tems la grate-boësse dans l’eau claire, ce qui se fait à trois ou quatre reprises : ce qu’on appelle parachever.

En cet état le métal se met au feu, c’est-à-dire sur la grille à dorer ou dans le panier, au-dessous desquels est une poële pleine de feu qu’on laisse ardent jusqu’à un certain degré, que l’expérience seule peut apprendre. A mesure que le vif-argent s’évapore, & que l’on peut distinguer les endroits où il manque de l’or, on répare l’ouvrage, en y ajoûtant de nouvel amalgame où il en faut. Enfin il se grate-boësse avec la grosse brosse de laiton ; & alors il est en état d’être mis en couleur, qui est la derniere façon qu’on lui donne, & dont les ouvriers qui s’en mêlent conservent le secret avec un grand mystere : ce qui pourtant ne doit être guere différent de ce qu’on dira dans l’article du Monnoyage, de la maniere de donner de la couleur aux especes d’or.

Une autre méthode, c’est de faire tremper l’ouvrage dans une décoction de tartre, de soufre, de sel, & autant d’eau qu’il en faut pour le couvrir entierement, & de l’y laisser jusqu’à ce qu’il ait acquis la couleur qu’on desire, après quoi on le lave dans l’eau froide.

Pour rendre cette dorure plus durable, les doreurs frottent l’ouvrage avec du mercure & de l’eau-forte, & le dorent une seconde fois de la même maniere. Ils réiterent cette opération jusqu’à trois ou quatre fois, pour que l’or qui couvre le métal soit de l’épaisseur de l’ongle.

Dorure au feu avec de l’or en feuille. Pour préparer le fer ou le cuivre à recevoir cette dorure, il faut les bien grater avec le grateau, & les polir avec le polissoir de fer, puis les mettre au feu pour les bleuir, c’est-à-dire pour les échauffer, jusqu’à ce qu’ils prennent une espece de couleur bleue. Lorsque le métal est bleui, on y applique la premiere couche d’or que l’on ravale legerement avec un polissoir, & que l’on met ensuite sur un feu doux.

On ne donne ordinairement que trois couches ou quatre au plus, chaque couche étant d’une seule feuille d’or dans les ouvrages communs, & de deux dans les beaux ouvrages ; & à chaque couche qu’on donne, on les remet au feu. Après la derniere cou-

che, l’or est en état d’être bruni clair. Voyez les Pl. du doreur qui représentent tous les outils & opérations dont il est parlé dans cet article. Voyez aussi Félibien, dictionn. d’Architect. Peint. Sculpt. Voyez enfin le dictionn. du Comm. & Chamb. Tous ces auteurs se sont suivis.

Dorure sur parchemin, cuir, & autres ouvrages dont l’on fait tapisseries & tranches de livres : prenez trois livres d’huile de lin ; vernis, de poix greque, de chaque une livre ; demi-once de poudre de safran : faites bouillir tout ceci en une poîle plombée, jusqu’à ce qu’y trempant une plume, vous la retiriez comme brûlée ; alors vous ôterez votre mixtion de dessus le feu, & vous prendrez une livre d’aloès hépatique, bon & bien pulvérisé, & la jetterez peu à peu dedans, observant de remuer avec un bâton, car autrement le mêlange monteroit : si malgré le mouvement il montoit, vous l’ôteriez du feu, & le laisseriez reposer ; puis le remettriez, le laissant derechef bouillir, remuant toûjours avec le bâton. Lorsque tout sera bien incorporé, vous l’ôterez du feu, le laisserez reposer, puis le passerez par un linge dans un autre vaisseau, dans lequel vous le garderez. Quand vous voudrez l’employer pour dorer parchemin ou cuir, vous donnerez d’abord une assiette de blanc d’œuf ou de gomme ; vous appliquerez ensuite une feuille d’étain ou d’argent ; vous coucherez par-dessus votre vernis tout chaud, & vous aurez aussi-tôt une couleur très-belle, que vous laisserez sécher au soleil : après quoi, vous imprimerez ou peindrez les couleurs qu’il vous plaira.

Maniere de dorer la tranche des livres. Pour dorer la tranche des livres, prenez la grosseur d’une noix de bol d’Arménie, la grosseur d’un pois de sucre candi, broyez bien le tout à sec & ensemble ; ajoutez-y un peu de blanc d’œuf bien battu, puis broyez derechef. Cela fait, prenez le livre que vous voudrez dorer sur la tranche ; qu’il soit relié, collé, rogné, & poli ; serrez-le fortement dans la presse à rogner, le plus droit & égal que faire se pourra ; avez un pinceau, donnez une couche de blanc d’œuf battu, que cette couche soit legere, laissez-la sécher, donnez une couche de la composition susdite ; quand elle sera bien seche, polissez & raclez-la bien ; & lorsque vous voudrez mettre l’or dessus, mouillez la tranche d’un peu d’eau claire avec le pinceau ; puis sur le champ y appliquez les feuilles d’or ou d’argent : quand elles seront seches, vous les polirez avec la dent de loup. Cela fait, vous pourrez travailler dessus, tel ouvrage, marbrure, &c. qu’il vous plaira. Article de M. Papillon.

Dorure sur cuir, sur argent, étain, & verre. Prenez un pot neuf bien plombé, de la grandeur qu’il vous plaira ; ayez un fourneau ; mettez dans le pot trois livres d’huile de lin au moins, & laissez cette huile sur le feu jusqu’à ce qu’elle soit cuite, ce que vous connoîtrez en trempant une plume dedans ; si la plume se pele, l’huile est cuite : alors ajoûtez-y de résine de pin huit onces, de sandarach huit onces, d’aloès hépatique quatre onces, le tout bien broyé ; mettez tout cela à la fois, en remuant bien avec une spatule, augmentant le feu sans cesser de remuer, jusqu’à ce que tout se fonde & devienne liquide ; laissez cuire lentement ; éprouvez de tems en tems sur papier ou sur l’ongle la consistance ; si le mêlange vous paroît trop clair, ajoûtez-y une once & demie d’aloès cicotrin ; quand il vous semblera cuit, retirez-le de dessus le feu : ayez deux sachets appareillés, en forme de collatoire, coulez dedans ces sachets le mêlange avant qu’il soit refroidi ; ce qui n’aura point été fondu, restera dans le premier ; le reste passera dans le second, & sera le vernis à dorer. Vous le garantirez de la poussiere ; plus il sera vieux, meilleur il deviendra. Quand vous voudrez