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quelle le malade ne tomboit point ; Antoine Benivenius & Sennert rapportent avoir vû un épileptique qui restoit debout pendant l’accès : Dodonée dit en avoit vû un qui restoit assis ; Eraste un autre qui couroit ; & Brunner parle d’un épileptique qui entendoit ce qu’on lui disoit & ce qu’on faisoit auprès de lui, dont il se ressouvenoit après le paroxysme : mais ce sont-là des cas très-rares.

On distingue l’épilepsie en général du spasme, en ce que celui-ci & toutes ses especes consistent dans une contraction des muscles constante & opiniâtre ; au lieu que dans l’épilepsie la contraction musculaire ne subsiste pas continuellement, & se fait par intervalles & comme par secousses. On la distingue aussi de la convulsion, parce que dans celle-ci il n’y a pas d’altération dans l’usage des sens, & dans celle-là il y a presque toûjours en même tems lésion des fonctions pour le mouvement & pour le sentiment.

Outre les signes ci-dessus rapportés qui caractérisent l’épilepsie en général, il y en a aussi pour connoître les différentes especes qui leur sont particulieres ; ainsi celle dans laquelle le cerveau est immédiatement affecté, se connoît parce que le malade n’a ordinairement point de pressentiment de l’attaque qu’il va essuyer : il en est surpris comme d’un coup de foudre ; il n’a pas le moindre sentiment de douleur dans aucune partie de son corps avant l’accès, & il ne se porte aucune autre impression des parties inférieures vers les supérieures ; il est habituellement sujet à des symptomes qui indiquent que le cerveau est affecté, tels que la pesanteur de tête, la pâleur du visage, les vertiges, l’obscurcissement de la vûe, le sommeil inquiet, agité, l’affoiblissement considérable de l’exercice des fonctions animales, l’engourdissement des sens. Les paroxysmes qui proviennent du vice du cerveau sont plus violens & plus longs, il sort de la bouche une plus grande quantité d’écume.

Les attaques d’épilepsie sympathique sont distinguées de celle de l’idiopathique, parce qu’il précede ordinairement quelques signes qui annoncent celles-là, tels que la douleur de quelque partie inférieure, & le sentiment d’une vapeur qui s’éleve en même tems vers la tête. Les paroxysmes sont moins violens à tous égards ; ceux qui sont occasionnés par le vice de l’estomac s’annoncent par un sentiment d’agitation, d’érosion & de morsure dans ce viscere, de pesanteur, de tension dans la région épigastrique. Lorsque la corruption du lait dans l’estomac des enfans donne lieu à l’épilepsie, ils éprouvent auparavant des douleurs d’entrailles, & ils rendent des matieres fécales saffranées, & quelquefois ressemblantes au verd-de-gris : d’ailleurs dans tous les cas où la cause de l’épilepsie a son siége dans l’estomac, on apperçoit les signes qui annoncent la lésion de ce viscere, tels que le défaut d’appétit, les digestions imparfaites, les rots, &c. Lorsque les vers sont la cause de l’épilepsie, on le connoît par les signes qui indiquent leur existence & leurs effets. Voyez Vers.

Lorsque la matrice est le siége de la cause de cette maladie, on s’en assûre par les symptomes qui sont connoître la lésion de cet organe. Voyez Matrice.

On peut juger si l’épilepsie provient d’une cause qui soit fixée dans une partie externe, en examinant si elle a été précédemment affectée de quelque blessure, ou abcès, ou ulcere, de la morsure de quelque bête venimeuse : s’il y ressent quelque douleur avant l’accès, on s’en assûre, si l’on peut en arrêter les progrès, ou au moins les modérer, en appliquant une ligature au membre d’où l’on soupçonne que vient le mal, au-dessus de l’endroit que l’on en croit le siége, & en faisant des frictions à la partie qui est au-dessous.

L’énumération de tous les signes des différentes es-

peces d’épilepsie se trouve plus circonstanciée dans les

œuvres de Sennert, d’où on a tiré ce qui vient d’en être rapporté. Le même auteur entre dans un détail bien exact, pour recueillir tous les phénomènes qui peuvent servir à établir les signes prognostics de cette maladie. Nous allons en dire quelque chose ; on ne peut mieux faire que de le consulter, de même que Nicolas Pison, Lommius, pour ce qui peut manquer ici à cet égard.

L’épilepsie, de quelle espece qu’elle soit, est toûjours dangereuse ; elle est cependant ordinairement une maladie de long cours, à moins que les accès ne soient si violens, si fréquens, & de si longue durée, qu’ils occasionnent bien-tôt la mort : celle dans laquelle les fonctions animales sont abolies, les mouvemens convulsifs sont très-forts & durent long-tems, les excrémens sont rendus par le malade sans qu’il s’en apperçoive, & où il tombe ensuite dans l’inaction & le repos, en sorte qu’il semble mort, doit faire craindre un évenement fâcheux, sur-tout lorsqu’elle est invétérée : celle au contraire qui est récente, & dont les accès sont courts, sans convulsions violentes, est presque exempte de danger & susceptible de guérison, sur-tout si la respiration est libre.

L’épilepsie héréditaire, de quelque espece qu’elle soit, est presque toûjours incurable ; ni l’âge plus avancé, ni l’art, ne peuvent en détruire la cause. Selon Hippocrate, l’épilepsie qui survient avant l’âge de puberté peut être guérie ; celle qui attaque après l’âge de vingt-cinq ans ne cesse guere, qu’avec la vie, de produire ses effets : c’est-là ce qui arrive ordinairement, mais non pas toûjours ; car il n’est pas sans exemple d’avoir vû des personnes d’un âge avancé qui ont été délivrées des accès d’épilepsie. « Les jeunes personnes attaquées de cette maladie, en sont guéries par le changement d’air, de résidence & de régime », dit encore le pere de la Medecine.

Les enfans qui sont sujets à l’épilepsie dès leur naissance, sont plus en danger d’en périr, à proportion qu’ils sont moins avancés en âge : ceux qui prennent de la gale à la tête en sont rarement attaqués, selon la remarque de Baglivi. De quelque espece que soit cette maladie, il est plus ordinaire d’en voir les hommes attaqués que les femmes, les enfans que les vieillards : lorsqu’elle survient à ces derniers elle est presque incurable.

Rien ne dispose tant les enfans qui en sont atteints à en guérir, que d’avancer en âge, car les garçons s’en délivrent par le coït, & les filles par l’éruption des regles.

On a observé sort justement que si une femme devient épileptique pendant sa grossesse, elle s’en délivre par l’accouchement. Cependant il est très-dangereux qu’une femme grosse ait des attaques d’épilepsie ; il y a lieu de craindre l’avortement, & des suites encore plus fâcheuses.

L’épilepsie idiopathique est toûjours plus dangereuse & plus difficile à guérir que la sympathique ; & celle-ci est cependant très-pernicieuse, lorsque le vice de la partie qui affecte le cerveau par communication est invétéré.

Si le délire & la paralysie succedent à l’épilepsie, il n’y a plus de remede à tenter, le mal est incurable.

La mélancolie produit souvent l’épilepsie, comme l’épilepsie produit aussi la mélancolie, selon Hippocrate. L’apoplexie est quelquefois une suite très funeste de celle-là : on prétend que c’est presque un remede assûré qu’il survienne une longue fievre à l’épilepsie, & sur-tout la fievre quarte.

Il est facile de conclure, de tout ce qui vient d’être dit de l’épilepsie, des différentes causes qui peuvent