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ajuste les tronçons en pointes dans cette boîte, & les assujettit avec une crosse n sur un métier de bois m, revêtu d’une chausse de cuir ll, qui s’attache autour de la cuisse avec des courroies kk. L’ouvrier assis par terre, étend une jambe & replie l’autre, ensorte que le pié de celle-ci donne contre le jarret de la jambe étendue. Dans cette posture, la cuisse de la jambe repliée lui sert de ressort pour mouvoir la branche inférieure des grands ciseaux avec lesquels il tranche les tronçons. Ces boîtes qui servent à déterminer la mesure de chaque épingle, comme les boîtes de bois fixent la mesure des tronçons, ont environ trois pouces de longueur sur deux de large, avec une séparation vers le milieu, & sont revêtues sur les côtés de deux bords dans lesquels on trouve la place du pouce, afin d’alligner les tronçons. Les pointes appuient sur la base du quarré que forme la boîte, & par-là même sont exposées à s’émousser, quoiqu’elles ne pressent pas fortement contre le fer. On coupe les tronçons par douzaines, arrangés comme on les voit au bas de la même Planche (fig. 21. 19. p. r. s.) ; & on les divise en deux, en trois ou en quatre, selon le nombre des épingles qu’ils contiennent. Les extrémités qui débordent hors du niveau, s’appellent hanses, & le coupeur les tranche dans la situation déjà décrite, & que la fig. 4. de la même Planche achevera de rendre intelligible.

8°. On tourne les têtes. Sur le haut bout d’une table panchée, est un roüet (fig. 9. au milieu de la seconde Planche), dont la corde aboutit à une noix de bois placée à l’autre extrémité de la table, & fixée sur des pivots enfoncés dans la table. Au bout de cette noix est une broche ou tuyau de fer enchâssé dans la noix. Cette broche est percée par le bout, & creusée environ d’un pouce ; elle est percée au-dessus d’un second trou semblable à l’embouchure du flageolet. C’est par ces deux trous voisins qu’on fait d’abord passer le moule des têtes, pour l’attacher autour de la broche. Ce moule, a, n’est autre chose qu’un fil de laiton plus ou moins gros, à proportion de la grosseur des têtes qu’on veut faire, mais toûjours plus gros que les épingles à qui ces têtes conviendront. Le fil des têtes, plus mince que l’épingle, est en botte autour du moulinet b, planté sur un pivot enfoncé dans un pié-d’estal. Le tourneur on faiseur de têtes prend une porte, c’est-à-dire un morceau de bois long de six pouces, sur trois de circonférence. Au-dessus est un diametre, ou une ligne creusée dans le bois par le moule qui se trouve trop gêné entre deux épingles sans tête placées à chaque extrémité, & l’anneau de fer fiché dans le centre. C’est par cet anneau, qui est proprement la porte, que passe le fil à tête, & de-là dans la broche par les trous indiqués, pour être accroché au bec. Le tourneur saisit la porte à poing fermé, fait passer le fil à tête entre l’index & le doigt du milieu ; ensorte qu’il coupe le moule à angles droits : il tourne le rouet d’une main ; & le fil que le moulinet laisse aller, s’entortille autour du moule à mesure que l’ouvrier recule. Le moule rempli ou couvert à la longueur de cinq à six piés environ, on détache le fil de la broche ; on le tire, & il vous reste à la main une chaîne de têtes semblable à ces cordons d’or dont on borde quelquefois les chapeaux.

9°. On coupe les têtes. Un homme assis par terre (fig. 10. au milieu de la même Planche), les jambes croisées en-dessous, prend une douzaine de ces cordons à tête n (fig. 8. Pl. III.) ; il a des ciseaux, o, camards ou sans pointe, dont la branche supérieure se termine par une espece de crochet qui porte sur la branche inférieure, afin que les doigts ne soient point foulés : car il ne fait que saisir la branche supérieure, & la presser contre l’inférieure ; au moyen de quoi il coupe les têtes, observant de ne jamais

couper plus ou moins de deux tours de fil : car la tête est manquée, quand elle excede ou n’atteint pas ces limites. Cette opération est d’autant plus difficile, qu’il n’y a que l’habitude de l’œil ou de la main qui puisse assujettir l’ouvrier à cette regle ; cependant il ne coupe pas moins de 12 mille têtes par heure.

10°. On amollit les têtes, Il ne faut pour cela que les faire rougir sur un brasier, dans une cueiller de fer pareille à celle des Fondeurs d’étain ou de plomb, afin qu’elles soient plus souples au frappage, & qu’elles s’accrochent mieux autour des hanses.

11°. On frappe les têtes. Le métier qui sert à cette opération, est composé d’une table o (fig. 12. au milieu de la Pl. III.) ou billot quarré ou triangulaire qui en fait la base, de deux montans ou piliers de bois ss, liés ensemble par une traverse tt. Dans un de ces montans, plus haut que l’autre environ de demi-pié, passe une bascule d ou levier, qui vient répondre par une de ses extrémités c au milieu de la traverse des montans, & s’attache par une corde ou chaînette à une barre b, qui sort par le milieu de la traverse d’un contre-poids a. Ce levier répond de l’autre bout e, par une corde, à une planche ou marchette f, fixée à terre ou au plancher par un crampon & un anneau. Dans cette espece de case sont deux branches ou broches de fer xx paralleles aux montans, plantées sur la base du métier, & enchâssées dans la traverse d’en-haut avec des coins. Sous le contre-poids est une seconde traverse de fer qui vient s’accrocher aux deux broches yy, pour fixer le contre-poids, de façon qu’il ne puisse s’écarter à droite ou à gauche du point sur lequel il doit tomber. Ce contre-poids a, qu’on nomme pesée, est un massif de plomb sphérique ou cylindrique, pesant 10 à 11 livres ; il contient un esquibot de fer, dans lequel est enchâssé un outil ou canon d’acier, au point z. Cet outil est percé d’une auche, c’est-à-dire d’une cavité hémisphérique qui enchâsse la tête de l’épingle : au-dessous est une enclume surmontée d’un outil enchâssé, pareil au supérieur, & percé d’une auche toute semblable, à laquelle conduit une petite ligne creusée dans l’outil pour placer le corps de l’épingle, qui casseroit faute de cette précaution. Ces deux auches ou têtoirs servent à serrer à-la-fois les deux parties de la tête ; ce qui s’appelle enclorre. On les forme avec des poinçons, tels qu’on en voit un dans la figure désignée ; ce qui s’appelle enhaucher. Le frappeur assis sur une sellette (o, figure 12. & 13. Pl. II. au milieu), a devant lui trois écuelles de bois ou poches de cuir, dont l’une (z, figure 2. Pl. III.) est pleine de hanses empointées ; l’autre (o, o, fig. 18. au bas de la même Planche) est pleine de têtes ; & la troisieme (z, 3. 10. figure précédemment citée) sert à mettre les épingles entêtées. Tandis que d’une main il enfile les épingles dans les têtes, ce qu’on appelle brocher, de l’autre il enrhune ou place la tête dans les auches, & du pié il fait joüer le contrepoids, au moyen de la marchette qu’il frappe à coups redoublés, observant de tourner l’épingle dans les têtoirs, pour bien trapper la tête de tous les côtés. Il y a des métiers à plusieurs places, tels qu’on en voit un à trois (fig. 12. & 13. Planche II.) C’est la même machine multipliée sur une seule base.

12°. On jaunit les épingles. On employe à cet usage de la gravelle qu’on fait bouillir avec les épingles dans l’eau pendant un certain tems, jusqu’à ce que les têtes noircies au feu reprennent la couleur naturelle du laiton.

13°. On blanchit les épingles. Comme on a besoin pour cette opération, de plaques d’étain, voici la maniere de les mouler.

On dresse un établi (figure 6. Pl. III. vignette), formé de deux ou trois planches bien unies, de sept à huit piés de long sur deux de large ; on étend par-