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nuances qu’il y a d’especes d’érables : la forme & la largeur des feuilles varient également ; elles paroissent de bonne heure au printems, & ne tombent que fort tard en automne : il y a aussi quelques especes qui donnent des fleurs d’une assez belle apparence. On peut distinguer les différentes especes d’érables, en grands & en petits arbres. Les grands érables forment de belles tiges bien droites ; ils ont l’écorce unie & la feuille fort grande : on peut les préférer à beaucoup d’autres arbres pour faire des avenues, des bosquets, & du couvert. Les petits érables ont un accroissement plus lent, le bois plus menu, & la feuille plus petite : ils sont très-propres à former des palissades & des haies à hauteur d’appui ; à quoi ils conviennent souvent d’autant mieux, qu’ils ont le mérite singulier de croître à l’ombre & sous les autres arbres.

Voici les différentes especes d’érables les plus connues jusqu’à présent.

L’érable-sycomore, grand arbre qui croît naturellement dans quelques forêts de l’Europe & de l’Amérique septentrionale, & plus ordinairement dans les pays de montagnes. Sa tige est fort droite, son écorce est unie & roussâtre : sa feuille est large, lisse, découpée en cinq parties principales, d’un verd-brun en-dessus, & blanchâtre en-dessous : ses fleurs viennent en grappes longues & pendantes ; elles sont d’une couleur herbacée, qui n’a nulle belle apparence : la graine qui en provient est à-peu-près de la forme d’un pepin d’orange ; elle est renfermée dans une double écaille, qui est terminée par une aîle legere. Cet arbre est très-propre à faire des allées & du couvert sur les lieux élevés & dans les plus mauvais terrains ; il s’y soûtient contre les grandes chaleurs & les longues sécheresses, même dans les provinces méridionales de ce royaume, où l’on n’a pas eu de meilleure ressource que de recourir au sycomore pour remplacer avec succès différentes especes d’autres arbres qui avoient péri successivement dans une partie du cours d’Aix en Provence, soit à cause de la grande chaleur de ce climat, soit par rapport à la mauvaise qualité du sol. Cet arbre réussit également dans les bonnes terres de la plaine & sur les croupes des montagnes exposées au nord ; il ne redoute aucune mauvaise qualité de l’air. M. Miller assûre que le sycomore soûtient mieux qu’aucun autre arbre les vapeurs de la mer. Mais un autre avantage particulier à cet arbre, c’est qu’il résiste parfaitement à la continuité & à la violence des vents ; ensorte que pour se garantir de leur impétuosité, & défendre à cet égard les bâtimens, les plantations & tout espace que l’on veut abriter, c’est cet arbre que l’on doit y employer par préférence. Le sycomore devient en peu de tems un gros & grand arbre ; il se garnit d’un feuillage épais, qui donne beaucoup d’ombre & de fraîcheur : il est si robuste, que les hyvers les plus rigoureux de ce climat ne lui portent aucun préjudice, même dans sa premiere jeunesse, & qu’il soûtient le froid excessif qui se fait dans le Canada, où cet arbre est fort commun, & où l’on en tire la seve par incision, dont on fait de bon sucre. Le bois du sycomore est sec, leger, sonore, brillant, & d’une qualité fort approchante de celle du bois de hêtre : il n’est pas sujet à se tourmenter, à se déjetter ni à se fendre ; on l’employe aux petits ouvrages des Tourneurs, Menuisiers, Sculpteurs, Armuriers, Ebénistes & Luthiers. Il est propre aux mêmes usages que le bois du tilleul & du hêtre : c’est le meilleur de tous les bois blancs. On peut multiplier cet arbre de graine, de branches couchées, ou par le moyen de la greffe, sur les autres érables, & même en plantant les racines qu’on auroit retranchées du tronc d’un sycomore. Mais cet arbre a quelques petits défauts ; ses feuilles sont d’un verd trop brun, & elles

sont sujettes à être gâtées par les insectes. Il est vrai que sa verdure est fort brune, & même encore plus foncée lorsque l’arbre commence à pousser ; ce qui étant entierement opposé au verd naissant & tendre de presque tous les autres arbres, c’est un contraste de verdure dont on pourra tirer parti. On convient aussi que les hannetons attaquent souvent les feuilles du sycomore ; mais ils ne l’endommagent pas assez, pour que l’arbre fasse un aspect desagréable.

L’érable-sycomore panaché : c’est une variété de l’espece précédente, dont cet arbre ne differe que par la couleur de ses feuilles, qui sont plus ou moins bigarrées de jaune & de verd, & qui font un agrément singulier. On sait que ce mêlange de couleur, qui n’est qu’un accident occasionné par la foiblesse ou la maladie de l’arbre, ou par la mauvaise qualité du terrain, ne se soûtient dans la plûpart des autres arbres panachés, qu’en les multipliant par la greffe, ou en couchant leurs branches, & nullement en semant leurs graines, attendu que les plantes qui en naissent, rentrent dans l’état naturel. Mais il en est autrement du sycomore panaché, dont on peut conserver la diversité de couleur, non-seulement en couchant ses branches ou en le greffant sur le sycomore ordinaire, mais encore en semant sa graine, qui produit des plants dont la plûpart sont panachés.

L’érable plane, grand arbre qui fait une belle tige très droite, dont l’écorce est lisse & blanchâtre. Sa feuille a beaucoup de ressemblance avec celle du platane, ce qui lui a fait donner le nom d’érable plane : mais elle n’est ni si grande ni si épaisse, ni d’un verd si tendre que celle du platane. Ses fleurs viennent en bouquets de couleur jaune, qui ont quelqu’apparence ; elles commencent à paroître avant les feuilles, à la fin d’Avril. La graine qui en provient est plate & terminée par une aîle, comme celle du sycomore. Après le platane, c’est l’un des plus beaux arbres que l’on puisse employer pour l’embellissement des jardins ; il a toutes les bonnes qualités du sycomore, avec lequel il a tant d’analogie & de ressemblance, qu’on peut faire à l’érable plane l’application de tout ce que l’on vient de dire du sycomore ; mais il n’a pas, comme celui-ci, le défaut d’avoir des feuilles d’un verd trop rembruni, ni d’être sujet aux attaques de quelques insectes, qui au contraire ne portent aucune atteinte aux feuilles de l’érable plane, dont la verdure tendre & agréable se soûtient avec égalité pendant toute la belle saison, & ne passe que fort tard en automne. Son feuillage étant encore plus fourni que celui du sycomore, il fait un meilleur couvert, & de plus belles allées en palissade sur tige, pour lesquelles l’érable plane est des plus convenables ; mais il faut donner à ces arbres un quart de distance moins qu’aux tilleuls, parce que cette espece d’érable prend plus de hauteur que d’extension. Cet arbre croît encore plus promptement que le sycomore : j’ai vû souvent des plants venus de semence en terrain sec, s’élever jusqu’à douze piés en trois ans. Les Anglois lui donnent le nom d’érable de Norwege, parce que vraissemblablement il leur est venu de ce pays-là, où il est fort commun. Mais comme la plûpart des Jardiniers de Paris, & ceux des provinces à plus forte raison, confondent cet arbre avec le sycomore, il est à-propos de rapporter ici quelques caracteres apparens, qui puissent les faire distinguer l’un de l’autre. L’érable plane a l’écorce blanchâtre sur le vieux bois, les boutons rougeâtres pendant l’hyver, la feuille plate, mince, & d’un verd tendre ; les fleurs jaunes, disposées en bouquets relevés, & la graine applatie : le sycomore au contraire a la tige plus grosse, la tête plus étendue, l’écorce roussâtre, les boutons jaunes en hyver, la feuille plus épaisse, plus brune, & un peu repliée en-dessus ; les fleurs d’un-petit jaune verdâtre, bien moins apparentes,