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une seule fois, ou qu’elle revient plusieurs fois & même périodiquement tous les mois ou tous les ans, selon qu’il conste par plusieurs observations.

L’érésipele externe affecte communément la peau, la membrane adipeuse, & quelquefois, mais rarement, la membrane des muscles.

Lorsqu’elle est interne, elle peut avoir son siége dans tous les visceres, & vraissemblablement dans leur tissu cellulaire sur-tout ; mais alors il est rare qu’on la considere autrement que comme une inflammation en général.

Le sang qui forme l’érésipele est moins épais, moins dense que celui qui forme le phlegmon (voyez Phlegmon) ; mais il est d’une nature plus acre & plus susceptible à s’échauffer : ces qualités du sang étant posées, si son cours vient à être retardé tout-à-coup dans les extrémités artérielles, & qu’il en passe quelques globules dans les vaisseaux lymphatiques, qui naissent des arteres engorgées, l’action du cœur & de tout le système des vaisseaux restant la même, ou devenant plus forte, toutes ces conditions étant réunies, la cause continente de l’érésipele se trouve établie avec le concours de toutes les autres circonstances qui constituent l’inflammation en général. Voyez Inflammation.

Les causes éloignées de l’èrésipele sont très-nombreuses ; elle est souvent l’effet de différentes évacuations supprimées, comme des menstrues, des lochies arrêtées, d’une rétention d’urine, mais plus communément du défaut de respiration insensible, occasionnée par le froid ; elle est quelquefois produite par l’ardeur du soleil à laquelle on reste trop long-tems exposé ; par l’application de quelques topiques acres, de quelque emplâtre qui bouche les pores d’une partie de la peau, des répercussifs employés mal à propos : le mauvais régime, l’usage des alimens acres, des liqueurs fortes, les mauvaises digestions, sur-tout celles qui fournissent au sang des sucs alkalins, rances, le trop grand exercice, les veilles immoderées, les peines d’esprit, contribuent aussi à faire naître des tumeurs érésipélateuses, qui peuvent être encore des symptomes de plaies & d’ulceres, dans les cas où il y a disposition dans la masse des humeurs : cette disposition qui consiste en ce qu’elles soient acrimonieuses, & qui dépend souvent d’un tempérament bilieux, a aussi beaucoup de part à rendre efficaces toutes les causes éloignées tant internes qu’externes qui viennent d’être mentionnées.

Le caractere de l’érésipele est trop bien distingué par les symptomes qui lui sont propres, rapportés dans la définition, pour qu’on puisse la confondre avec toute autre espece de tumeur s’ils sont bien observés.

L’érésipele n’est pas toujours accompagnée de symptomes violens, sur-tout lorsqu’elle n’attaque pas le visage, cependant il s’y en joint souvent de très-fâcheux, tels que la fievre qui est plus ou moins forte & plus ou moins ardente ; les insomnies, les inquiétudes : & comme elle est dans plusieurs cas une maladie symptomatique, dépendante d’une fievre putride, par exemple, les accidens qu’elle produit varient selon les différentes circonstances.

L’érésipele n’est pas dangereuse, lorsqu’elle est sans fievre, & qu’elle n’est accompagnée d’aucun symptome de mauvais caractere ; & au contraire il y a plus ou moins à craindre pour les suites de la maladie, à proportion que la fievre est plus ou moins considérable, & que les autres accidens sont plus ou moins nombreux & violens.

L’érésipele de la face est de plus grande conséquence, tout étant égal, que celle qui affecte les autres parties du corps ; à cause de la délicatesse du tissu de celle du visage, dont les vaisseaux ont moins de

force pour se débarrasser de l’engorgement inflammatoire. Cet engorgement est cependant moins difficile à détruire que dans toute autre inflammation ; parce que la matiere qui le forme n’a pas beaucoup plus de ténacité que les humeurs saines qui coulent naturellement dans les vaisseaux de la partie affectée : ainsi elle est très-disposée à la résolution. Voyez Résolution. Mais cette maniere dont se termine ordinairement l’érésipele n’est pas toujours parfaite, l’humeur viciée peut-être dissoute, sans être entierement corrigée ; en sorte qu’elle ne soit pas encore propre à couler dans les autres vaisseaux où elle est jettée par l’action de ceux qui s’en sont débarrassés : quelquefois elle ne cede qu’à la force de ces derniers & reprend sa consistence vicieuse lorsqu’elle est parvenue dans des vaisseaux voisins qui agissent moins, ainsi l’érésipele change de siége comme en rampant de proche en proche ; elle est souvent rébelle dans ce cas & donne beaucoup de peine ; elle parcourt quelquefois la moitié de la surface du corps sans qu’on puisse en arrêter les progrès, parce qu’alors le sang est pour ainsi dire infecté d’un levain érésipélateux, qui fournit continuellement dequoi renouveller l’humeur morbifique dans les parties affectées ou dans les voisines ; mais ce changement est bien plus fâcheux encore, lorsque le transport de cette humeur se fait du dehors, au-dedans, & se fixe dans quelque viscere ; alors l’érésipele qui en résulte est d’autant plus dangereuse que la fonction du viscere est plus essentielle : on doit aussi très-mal augurer de celle qui sans changer de siége tend à la suppuration ou à la gangrene ; car il résulte du premier de ces deux évenemens, qu’il se fait une fonte de matieres acres, rongeantes, qui forment des ulceres malins, très-difficiles à guérir, & il suit de la gangrene érésipélateuse, qu’ayant par la nature de l’humeur qui l’a produit beaucoup de facilité à s’étendre, elle consume & fait tomber comme en putrilage la substance des parties affectées, en sorte qu’il est très-difficile d’en arrêter les progrès & presque impossible de la guérir.

Toute autre maniere que la résolution dont l’érésipele peut se terminer, étant funeste, on doit donc diriger tout le traitement de cette espece d’inflammation, à la faire résoudre, tant par les remedes internes que par les topiques, d’autant plus que la matiere morbifique y a plus de disposition que dans toute autre tumeur inflammatoire. Pour parvenir à ce but si desirable, on doit d’abord prescrire une diete severe, comme dans toutes les maladies aiguës, qui consiste à n’user que d’une petite quantité de bouillon peu nourrissant, adoucissant & rafraîchissant, & d’une grande quantité de boisson qui soit seulement propre à détremper & à calmer l’agitation des humeurs pour les premiers jours, & ensuite à diviser legerement & à exciter la transpiration. Il faut en même tems ne pas négliger les remedes essentiellement indiqués, tels que la saignée, qui doit être employée & répétée proportionnément à la violence de la fievre, si elle a lieu ; ou à celle des symptomes, aux forces & au tempérament du malade, à la saison & au climat. Il convient de donner la préférence à la saignée du pié, dans le cas où l’érésipele affecte la tête ou le visage. Il faut de plus examiner, à l’égard de toute sorte d’érésipele, si le mal provient du vice des premieres voies, & s’il n’est pas un symptome de fievre putride. Si la chose est ainsi, d’après les signes qui doivent l’indiquer, on doit se hâter de faire usage des purgatifs, des lavemens, & même des vomitifs répétés : ces derniers sont particulierement recommandés contre l’érésipele de la face, qu’ils disposent à une prompte résolution, selon que le démontre l’expérience journaliere : on calmera le soir l’agitation causée par ces divers évacuans, en faisant