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formes l’un à l’autre, & tous deux signés des parties qui s’y engagent. (A)

Double emploi, est une partie qui a été portée deux fois en recette ou en dépense dans un compte. L’ordonnance de 1667, tit. xxjx, de la reddition des comptes, art. 21, porte qu’il ne sera procédé à la revision d’aucun compte ; mais que s’il y a des erreurs, omissions de recette, ou faux emplois, les parties pourront en former leur demande, ou interjetter appel de la clôture du compte, & plaider leurs prétendus griefs en l’audience. Cet article ne parle pas nommément des doubles emplois, à moins qu’on ne les comprenne sous le terme de faux emplois, quoique faux emploi soit différent de double emploi, en ce que tout emploi double est faux ; au lieu qu’un emploi peut être faux, sans être double : par exemple, si la partie employée ne concerne point l’oyant. Quoi qu’il en soit, il est certain, dans l’usage, que les doubles emplois ne se couvrent point, non plus que les faux emplois, ni les erreurs de calcul & omissions. (A)

Double lien, (Jurispr.) est la parenté qui se trouve entre deux personnes, lesquelles sont jointes ex utroque latere, c’est-à-dire tant du côté paternel que du côté maternel, comme les freres & sœurs qui sont enfans des mêmes pere & mere, & que l’on appelle freres & sœurs germains ; à la différence de ceux qui sont de même pere seulement, que l’on appelle consanguins ; & de ceux qui sont seulement d’une même mere, que l’on appelle freres & sœurs utérins.

Dans quelques provinces, les freres & sœurs consanguins & utérins sont appellés demi-freres, demi-sœurs, quasi juncti ex uno tantum latere. Cette expression est adoptée dans la coûtume de S. Aventin.

La distinction du double lien n’a lieu dans quelques pays que pour les freres & sœurs seulement, & pour leurs enfans. Dans d’autres pays, elle s’étend plus loin : c’est ce que l’on expliquera, après avoir parlé de l’origine du double lien.

Le privilége ou prérogative attaché au double lien dans les pays où il a lieu, consiste en ce que celui qui est parent du défunt ex utroque latere, est préféré dans sa succession à celui qui est seulement parent du côté de pere ou de mere.

Cette distinction du double lien étoit absolument inconnue dans l’ancien droit romain. Il n’en est fait aucune mention dans le digeste, ni dans les institutes ; on y voit seulement que l’on distinguoit dans l’ancien droit, deux sortes de parens & d’héritiers en collatérale, savoir les agnats & les cognats ; que les premiers appellés agnati ou consanguinci, étoient tous les parens mâles ou femelles qui étoient joints du côté du pere : il étoit indifférent qu’ils vinssent aussi de la même mere que le défunt, cette circonstance n’ajoûtoit rien à leur droit. Les cognats, cognati, étoient tous les parens du côté maternel.

Les agnats les plus proches étoient appellés à la succession, à l’exclusion des cognats mâles ou femelles, quoiqu’en même degré.

Par rapport aux agnats entre eux, la loi des douze tables n’avoit établi aucune distinction entre les mâles & les femelles du côté paternel ; mais la jurisprudence avoit depuis introduit, que les mâles étoient habiles à succéder en quelque degré qu’ils fussent, pourvû qu’ils fussent les plus proches d’entre les agnats ; au lieu que les femelles, même du côté paternel, ne succédoient point, à moins que ce ne fussent des sœurs du défunt.

Les préteurs corrigerent cette jurisprudence, en accordant la possession des biens aux femmes, qui n’avoient pas le droit de consanguinité comme les sœurs.

Enfin Justinien rétablit les choses sur le même pié

qu’elles étoient par la loi des douze tables, en ordonnant que tous les parens mâles ou femelles, descendans du côté paternel, viendroient en leur rang à la succession, & que les femelles ne seroient point excluses sous prétexte qu’elles ne seroient point sœurs du pere du défunt, & quoique consanguinitatis jura sicut germanæ non haberent. Instit. lib. III. tit. ij. §. 3.

Il ajoûta, que non-seulement le fils & la fille du frere viendroient à la succession de leur oncle, mais que les enfans de la sœur germaine-consanguine & de la sœur utérine y viendroient aussi concurremment.

On voit ici les termes de germain, consanguin, & utérin, employés pour les freres & sœurs ; mais on ne distinguoit point alors les freres & sœurs simplement consanguins, de ceux que nous appellons germains : on leur donnoit ces deux noms confusément, parce que les germains n’avoient pas plus de droit que les consanguins.

Ainsi jusque-là le privilége du double lien étoit totalement inconnu ; il n’y avoit d’autre distinction dans les successions collatérales, que celle des agnats & des cognats ; distinction qui fut abrogée par la novelle 118, qui les admit tous également à succéder, selon la proximité de leur degré.

Pour ce qui est de la distinction & prérogative du double lien, quelques auteurs, du nombre desquels est Guiné lui-même, qui a fait un traité du double lien, supposent mal-à-propos que cette distinction ne tire son origine que des novelles de Justinien.

En effet elle commença à être introduite par plusieurs lois du code. Il est vrai qu’elle n’étoit pas encore connue sous plusieurs empereurs, dont les lois sont insérées dans le code ; ce qui fait qu’il se trouve quelque contradiction entre ces lois & celles qui ont ensuite admis le double lien. Par exemple, la loi 1ere au code de legitimis hæralibus, qui est de l’empereur Alexandre Severe, décide que les freres & sœurs succedent également, quoiqu’ils ne soient pas tous d’une même mere : ainsi l’on ne connoissoit point encore le double lien.

La plus ancienne loi qui en fasse mention, est la loi quæcumque 4e, au code de bonis quæ liberis, &c. Cette loi est des empereurs Leon & Anthemius, qui tenoient l’empire en 468, soixante ans avant Justinien. Elle ordonne que tous les biens advenus aux enfans ou petits-enfans, mâles ou femelles, d’un premier, second, ou autre mariage, soit à titre de dot ou donation, ou qu’ils ont eu par succession, legs, ou fidei-commis, appartiendront, quant à l’usufruit, au pere qui avoit les enfans en sa puissance ; que la propriété appartiendra aux enfans ou petits-enfans, mâles & femelles, du défunt, quoiqu’ils ne fussent pas tous procréés du même mariage dont les biens sont provenus à leurs pere ou mere.

Que si quelqu’un desdits freres ou sœurs décede sans enfans, sa portion appartiendra à ses autres freres & sœurs survivans, qui seront conjoints des deux côtés.

Que s’il ne reste plus aucun de ces freres & sœurs germains, alors ces biens passeront aux autres freres & sœurs qui sont procréés d’un autre mariage.

Voilà certainement la distinction & la prérogative du double lien bien établies par cette loi, du moins pour le cas qui y est prévû. Il n’est donc pas vrai, comme l’ont dit Guiné & quelques autres auteurs, que le privilége du double lien ait été introduit par Justinien ; il ne s’agissoit plus que de l’étendre aux biens dont l’empereur Leon n’avoit pas parlé : c’est ce qui a été fait par deux autres lois du code, & par trois des novelles.

La seconde loi qui est de l’empereur Justinien, est la loi sancimus onzieme & derniere, au code com-