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Cette novelle ne parle, comme on voit, que des freres germains ; mais le motif étant le même pour les sœurs germaines, & la novelle se référant aux précedentes lois, qui mettent en même rang les freres & les sœurs, il est évident que les sœurs sont aussi comprises tacitement dans la disposition que l’on vient de rapporter.

Ce doute est d’ailleurs pleinement levé par la novelle 118, qui fait mention des sœurs comme des freres.

Il est dit dans le chapitre ij. de cette novelle, que si le défunt meurt sans enfans & autres descendans, il aura pour héritiers ses pere & mere, ou, à leur défaut, les autres ascendans les plus proches, à l’exclusion de tous collatéraux, excepté néanmoins les freres germains, fratribus ex utroque parente conjunctis defuncto, comme il sera dit ensuite ; ce qui est relatif au §. si vero, où il est parlé des sœurs.

Ce paragraphe explique que si avec les ascendans il se trouve des freres & sœurs germains, ils succéderont concurremment & par égales portions : Si vero cum ascendentibus veniuntur fratres aut sorores ex utrisque parentibus conjuncti defuncto, cum proximis gradu ascendentibus vocabuntur.... differentiâ nullâ servandâ inter personas istas, sive feminæ, sive masculi fuerint qui ad hæreditatem vocantur.

C’est de ce chapitre qu’a été tirée l’authentique defuncto, qui a été insérée au code ad s. c. Tertullian. elle porte pareillement que fratres utrinque defuncto conjuncti vocantur cum ascendentibus… exclusâ prorsùs omni differentiâ sexûs, &c.

Le chapitre iij. qui traite du cas où il n’y a que des collatéraux, porte que la succession sera d’abord dévolue aux freres & sœurs germains, primùm ad hæreditatem vocamus fratres & sorores ex eodem patre & ex eadem matre natos.

Au défaut de ceux-ci, la loi appelle les freres qui ne sont joints que d’un côté, soit par le pere ou par la mere : Fratres ad hæreditatem vocamus qui ex uno parente conjuncti sunt defuncto, sive per patrem solùm, sive per matrem.

Si le défunt a laissé des freres, des enfans de quelqu’autre frere ou sœur, ces enfans viendront avec leurs oncles & tantes paternels ou maternels, & auront la même part que leur pere auroit eûe.

Mais si le pere de ces enfans étoit un frere germain du défunt, ils seront préférés à leurs oncles, qui ne seroient que des freres consanguins ou utérins du défunt : Si fortè præmortuus frater cujus filii vivunt per utramque partem nunc defunctæ personæ jungebatur ; superstites autem fratres per patrem solùm, forsan aut matrem ei jungebantur, præponantur istius filii propriis Thiis, licet in tertio gradu sint, sive à patre, sive à matre sint Thii, & sive masculi, sive feminæ sint, sicut eorum parens præponeretur, si viveret.

Si au contraire le frere survivant est germain du défunt, & que l’autre frere prédécedé ne fût joint que d’un côté, les enfans de ce dernier sont exclus par leur oncle : c’est encore la disposition littérale de la novelle.

Il est encore dit que ce privilége n’est accordé qu’aux enfans mâles ou femelles des freres & des sœurs, & non aux autres collatéraux.

Enfin la novelle déclare que les enfans mêmes des freres ne joüissent de ce privilége que quand ils sont appellés avec leurs oncles & tantes ; que si avec les freres du défunt il se trouve des ascendans, les enfans d’un autre frere ou sœur ne peuvent être admis avec eux à la succession, quand même les pere ou mere de ces enfans auroient été freres ou sœurs germains du défunt, le droit de représentation n’étant alors accordé aux enfans, que lorsqu’ils concouroient avec leurs oncles & tantes seulement, & non pour concourir avec leurs ascendans ; ce qui a été

depuis réformé par la novelle 127, dont il nous reste à parler.

De ce troisieme chapitre de la novelle 118 ont été tirées deux authentiques qui parlent du double lien.

La premiere qui commence par ces mots, cessante successione, a été inserée au code de legitimis hæredibus ; elle porte qu’à défaut de descendans & ascendans du défunt, les freres & les enfans des freres prédécedés succedent : Dico autem de fratre ejusque fratris filiis qui ex utroque parente contingunt, eum de cujus.... quo personæ veniunt, & sine… parentibus & cum proximis gradu ascendentibus, & quidem prædicti fratris filius, etsi tertio gradu sit, præfertur gradibus defunctis qui ex uno tantùm parente cognati sunt ; in hâc successione omnis differentia sexûs… cessat.

La seconde authentique inserée au même titre, est l’authentique fratres, qui porte qu’après les freres germains & leurs enfans, on admet les freres & sœurs conjoints d’un côté seulement, &c.

Cette novelle a d’abord pour titre, ut fratrum filii succedunt pariter ad imitationem fratrum, etiam ascendentibus extantibus.

L’empereur annonce dans le préambule, qu’il n’a point honte de corriger ses propres lois, lorsqu’il s’agit du bien de ses sujets. Il rappelle ensuite dans le chap. j. la disposition de la novelle 118, qui excluoit les enfans des freres, lorsqu’ils concouroient avec des ascendans. Il ordonne que si le défunt laisse des ascendans, des freres & des enfans d’un autre frere prédécedé, ces enfans concourront avec les ascendans & les freres, & auront la même part que leur pere auroit eue, s’il eût vécu. Enfin il est dit que cette décision ne doit s’appliquer qu’aux enfans des freres germains.

Le premier chapitre de cette novelle a servi avec le troisieme chapitre de la 118e, à former l’authentique cessante, dont on a parlé il y a un moment.

Telles sont les dispositions des lois romaines au sujet du double lien, par lesquelles on voit que ce n’est point Justinien qui a le premier introduit ce privilége, que les empereurs Léon & Anthemius avoient déjà commencé à introduire, & que Justinien ne fit qu’étendre ce droit ; que la novelle 118 de cet empereur n’est pas non plus la premiere loi qu’il fit sur cette matiere ; qu’il avoit déjà réglé plusieurs cas, tant par les lois sancimus & de emancipatis, que par sa novelle 84, qui fut suivie des novelles 118 & 127, qui acheverent d’établir le privilége du double lien.

Aux termes de la novelle 118, les enfans des freres germains excluent leurs oncles consanguins ou utérins ; mais elle ne décide pas s’ils ont le même droit contre les enfans des freres consanguins ou utérins.

Les opinions sont partagées sur cette question. Ceux qui soûtiennent l’affirmative, disent que les enfans des freres germains excluant leurs oncles consanguins & utérins, à plus forte raison doivent-ils exclure les enfans de ces mêmes freres, suivant la regle si vinco vincentem te, à fortiori te vinco. Cujas sur cette novelle ; Henrys, tome I. liv. V. quest. 56. Dumolin sur l’article 155 de la coûtume de Blois, & sur le 90e de celle de Dreux, sont de cet avis.

Ceux qui tiennent la négative, disent que les novelles sont de droit étroit, & ne s’étendent point d’un cas à un autre ; de ce nombre sont le Brun, des succ. liv. I. ch. vj. sect. 2. n. 8. & Dolivet, liv. V. ch. xxxv. qui rapporte quatre arrêts du parlement de Toulouse, qu’il dit avoir jugé pour son opinion.

La premiere nous paroît néanmoins mieux fondée, par une raison bien simple ; savoir que les enfans des oncles consanguins ou utérins, ne peuvent avoir plus de droit que leur pere.

L’usage des Romains par rapport au double lien, a été adopté en France dans les pays que l’on appelle