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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/123

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41 de l’ere chrétienne, en hébreu ou en syriaque, qui étoit la langue vulgaire alors en usage dans la Palestine : on croit que ce fut à la priere des Juifs nouvellement convertis à la foi. S. Epiphane ajoûte que ce fut par un ordre particulier des apôtres. Le texte original de S. Matthieu fut traduit en grec de très-bonne heure. Quelques auteurs ecclésiastiques attribuent cette version à S. Jacques, d’autres à S. Jean : ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle est très-ancienne. La version latine ne l’est guere moins ; elle est exacte & fidele, mais le nom de son auteur est inconnu. Le texte hébreu se conservoit encore du tems de S. Epiphane & de S. Jérôme, & quelques savans ont prétendu qu’il s’est conservé parmi les Syriens ; cependant en comparant le syriaque qui subsiste aujourd’hui, avec le grec, il est aisé de se convaincre que le premier n’est qu’une traduction de celui-ci, comme le prouve M. Mille dans ses prolégomenes, fag. 1237 & suiv.

Quelques-uns ont conjecturé que S. Marc écrivit son évangile en latin, parce qu’il le composa à Rome sur ce qu’il avoit appris de S. Pierre, & pour satisfaire aux desirs des Chrétiens de cette Eglise : ce fut vers l’an 44 de Jesus-Christ. Cependant S. Augustin & S. Jérôme attestent que tous les évangiles, à l’exception de celui de S. Mattbieu, avoient été écrits primitivement en grec ; & d’ailleurs du tems de S. Marc la langue greque n’étoit pas moins familiere à Rome que la latine. Au reste la dispute seroit bientôt terminée, s’il étoit sûr que les cahiers de l’évangile de S. Marc qu’on conserve à Prague, & l’évangile entier de cet apôtre, qu’on garde précieusement à Venise, sont l’original écrit de la main de S. Marc ; car le P. dom Bernard de Montfaucon, dans le journal de son voyage d’Italie, chap. jv. pag. 55 & suiv. atteste qu’après avoir soigneusement examiné ce dernier manuscrit, il a reconnu qu’il étoit écrit en caracteres latins. Au reste, comme ce n’est qu’en 1355 que l’empereur Charles IV. ayant trouvé à Aquilée l’original de S. Marc écrit, disoit-on, de sa main, en sept cahiers, il en détacha deux qu’il envoya à Prague ; & que l’original de Venise n’est conservé dans cette république que depuis l’an 1420, ainsi que M. Fontanini l’a prouvé dans une lettre au P. de Montfaucon, insérée dans le même journal, ces prétendus originaux ne décident rien contre l’antiquité & l’authenticité du texte grec, reconnue & attestée par les anciens peres.

S. Luc étoit originaire d’Antioche (où il fut converti par S. Paul), & par-là des l’enfance exercé à parler & à écrire en grec, que le regne des Séleucides avoit rendu la langue dominante dans sa patrie. Il s’attacha à S. Paul, qu’il suivit dans ses voyages ; ce qui a fait penser à Tertullien que saint Paul étoit le véritable auteur de l’évangile qui porte le nom de S. Luc ; & à saint Grégoire de Nazianze, que saint Luc l’écrivit, se confiant sur le secours de S. Paul. D’autres ont prétendu qu’il l’écrivit sous la direction de S. Pierre. Mais on n’a aucune preuve positive de toutes ces assertions ; & S. Luc n’insinue nulle part que ces apôtres l’ayent porté à écrire, ni qu’ils lui ayent dicté son évangile. Estius & Grotius croyent que S. Luc écrivit son évangile vers l’an 63 de J. C. l’opinion la plus suivie & la mieux appuyée, est qu’il l’écrivit en grec en faveur des églises de Macédoine & d’Achaïe, vers la 53e année de l’ere chrétienne. Son style est plus pur & plus correct que celui des autres évangelistes, quoiqu’on y rencontre des tours de phrase qui tiennent du syriaque sa langue maternelle, & même du génie de la langue latine, si l’on en croit Grotius dans ses prolégomenes sur cet évangéliste.

Les critiques ne sont pas d’accord sur l’année précise ni sur le lieu où saint Jean composa son évangile.

Plusieurs ont avancé que ce fut à Ephese, après son retour d’exil dans l’île de Pathmos, une des Sporades dans la mer Egée : d’autres soûtiennent que ce fut à Pathmos même. Plusieurs manuscrits grecs portent qu’il l’écrivit trente-deux ans après l’Ascension de Jesus-Christ ; d’autres lisent trente, & d’autres lisent trente-un ans : les uns en fixent l’époque sous l’empire de Domitien, les autres sous celui de Trajan. L’opinion la plus commune est que l’évangile de S. Jean fut écrit après son retour de Pathmos, vers l’an 98 de Jesus-Christ, la premiere année de Trajan, soixante-cinq ans après l’Ascension du Sauveur, & que l’évangéliste étoit alors âgé d’environ quatre-vingts-quinze ans. Quoi qu’il en soit, aux instances de ses disciples, des évêques & des églises d’Asie, il se détermina à écrire son évangile, pour l’opposer aux hérésies naissantes de Cerinthe & d’Ebion, qui nioient la divinité du Verbe ; à l’incrédulité des Juifs, & aux idées des Platoniciens & des Stoïciens : quoique M. le Clerc & d’autres modernes croyent qu’il avoit emprunté de Platon ce qu’il dit du Verbe divin ; mais sa doctrine sur ce point est bien différente de celle des Platoniciens. Voyez Platoniciens.

S. Jean avoit écrit son évangile en grec, & on le conservoit encore en original dans l’église d’Ephese au septieme siecle, au moins au quatrieme, ainsi que l’atteste Pierre d’Alexandrie. Les Hébreux le traduisirent bientôt en hébreu, c’est-à-dire en syriaque, & la version latine remonte aussi jusqu’à l’antiquité la plus reculée.

La canonicité de ces quatre évangiles est démontrée par le soin & la vigilance avec lesquelles les églises apostoliques en ont conservé des exemplaires originaux ou des copies authentiques ; par les décisions de différens conciles, & notamment de celui de Trente ; par le concours unanime des peres & des auteurs ecclésiastiques, à n’en point reconnoître d’autres ; & enfin par la confession même des sectes séparées de l’Eglise romaine. Les Sociniens même les reconnoissent, quoiqu’ils tentent d’en altérer le sens par des interprétations arbitraires & forcées. Voyez Sociniens.

Les hérétiques, sur-tout dans les tems les plus reculés, ne se sont pas contentés de rejetter tous ou quelques-uns de ces évangiles, où se trouvoit la réfutation de leurs erreurs ; mais ils en ont encore supposé de faux & d’apocryphes, qui fussent favorables à leurs prétentions. Au catalogue de ces évangiles apocryphes, nous joindrons sur chacun d’eux une observation abregée, mais suffisante pour en donner une idée au commun des lecteurs.

Entre ces évangiles apocryphes & sans autorité, dont les uns sont venus jusqu’à nous, & les autres sont entierement perdus, on compte :

1°. L’évangile selon les Hébreux.

2°. L’évangile selon les Nazaréens.

3°. L’évangile des douze Apôtres.

4°. L’évangile de S. Pierre.

Les critiques conjecturent que ces quatre évangiles ne sont que le même sous différens titres, c’est-à-dire l’évangile de S. Matthieu, qui fut corrompu de bonne-heure par les Nazaréens hérétiques ; ce qui porta les Catholiques à abandonner aussi de bonne-heure l’original hébreu ou syriaque de S. Matthieu, pour s’en tenir à la version greque, qu’on regardoit comme moins suspecte, ou moins susceptible de falsification.

5°. L’évangile selon les Egyptiens.

6°. L’évangile de la naissance de la sainte Vierge : on l’a en latin.

7°. L’évangile de S. Jacques, qu’on a en grec & en latin, sous le titre de protévangile de S. Jacques.