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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/450

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sens étendu, néanmoins quand on parle de faux simplement, ou du crime de faux, on n’entend ordinairement que celui qui se commet en fabriquant des pieces fausses, ou en supprimant ou altérant des pieces véritables ; dans ces deux cas, le faux se poursuit par la voie de l’inscription de faux, soit principal ou incident (voyez Inscription de faux) ; pour ce qui est de la suppression des pieces véritables, la poursuite de ce crime se fait comme d’un vol ou larcin.

Il est plus aisé de contrefaire des écritures privées, que des écritures authentiques, parce que dans les premieres, il ne s’agit que d’imiter l’écriture d’un seul homme, & quelquefois sa signature seulement ; au lieu que pour les actes authentiques, il faut souvent contrefaire la signature de plusieurs personnes, comme celle des deux notaires, ou d’un notaire & deux témoins, & de la partie qui s’oblige : d’ailleurs il y a ordinairement des minutes de ces sortes d’actes, auxquelles on peut avoir recours.

On peut fabriquer une piece fausse, sans contrefaire l’écriture ni la signature de personne, en écrivant une promesse ou une quittance au-dessus d’un blanc signé qui auroit été surpris, ou qui étoit destiné à quelqu’autre usage.

Il y a des faussaires qui ont l’art d’enlever l’écriture sans endommager le papier, au moyen de quoi, ne laissant subsister d’un acte véritable que les signatures, ils écrivent au-dessus ce qu’ils jugent à-propos ; ce qui peut arriver pour des actes authentiques, comme pour des écrits sous seing-privé.

Le faux qui se commet en altérant des pieces qui sont véritables dans leur substance, se fait en avançant ou reculant frauduleusement la date des actes, ou en y ajoûtant après coup quelque chose, soit au bout des lignes, ou par interligne, ou par apostille & renvoi, ou dessus des paraphes & signatures, ou avec des paraphes contrefaits, ou en rayant après coup quelque chose, & surchargeant quelques mots, sans que ces changemens ayent été approuvés de ceux qui ont signé l’acte. Voyez Apostille, Renvoi, Paraphe, Signature, Interligne.

La preuve du faux se fait tant par titres que par témoins ; & si c’est une écriture ou signature qui est arguée de fausseté, on peut aussi avoir recours à la vérification par experts, & à la preuve par comparaison d’écritures.

Les indices qui servent à reconnoître la fausseté d’une écriture, sont lorsqu’il paroît quelque mot ajoûté au bout des lignes, ou quelque ligne ajoûtée entre les autres ; lorsque les ratures sont chargées de trop d’encre, de maniere que l’on ne peut lire ce que contenoient les mots rayés ; lorsque les additions sont d’encre & de caractere différens du reste de l’acte ; & autres circonstances semblables.

La loi Cornelia de falsis, qui fait le sujet d’un titre au digeste, fut publiée à l’occasion des testamens : c’est pourquoi Cicéron & Ulpien, en quelques endroits de leurs ouvrages, l’appellent aussi la loi testamentaire. La premiere partie de cette loi concernoit les testamens de ceux qui sont prisonniers chez les ennemis ; la seconde partie avoit pour objet de mettre ordre à toutes les faussetés qui pouvoient être commises par rapport aux testamens ; soit en les tenant cachés, ou en les supprimant ; soit en les altérant par des additions ou ratures, ou autrement.

Cette même loi s’applique aussi à toutes les autres sortes de faussetés qui peuvent être commises, soit en supprimant des pieces véritables ; soit en falsifiant des poids & mesures ; soit dans la confection des actes publics & privés dans la fonction de juge, dans celle de témoin ; soit par la falsification des métaux, & singulierement de la monnoie ; soit enfin

par la supposition de noms, surnoms, & armes, & autres titres & marques usurpés indûement.

On regardoit aussi comme une contravention à cette loi, le crime de ceux qui sur un même fait rendent deux témoignages contraires, ou qui vendent la même chose à deux personnes différentes ; de ceux qui reçoivent de l’argent pour intenter un procès injuste à quelqu’un.

La peine du faux, suivant la loi Cornelia, étoit la déportation qui étoit une espece de bannissement, par lequel on assignoit à quelqu’un une île ou autre lieu pour sa demeure, avec défense d’en sortir à peine de la vie. On condamnoit même le faussaire à mort, si les circonstances du crime étoient si graves, qu’elles parussent mériter le dernier supplice.

Quelquefois on condamnoit le faussaire aux mines, comme on en usa envers un certain Archippus.

Ceux qui falsifioient les poids & les mesures étoient relégués dans une île.

Les esclaves convaincus de faux étoient condamnés à mort.

En France, suivant l’édit de François premier du mois de Mars 1531, tous ceux qui étoient convaincus d’avoir fabriqué de faux contrats, ou porté faux témoignage, devoient être punis de mort : mais Louis XIV. par son édit du mois de Mars 1680, registré au parlement le 24 Mai suivant, a établi une distinction entre ceux qui ont commis un faux dans l’exercice de quelque fonction publique, & ceux qui n’ont point de fonction semblable, ou qui ont commis le faux hors les fonctions de leur office ou emploi. Les premiers doivent être condamnés à mort, telle que les juges l’arbitreront, selon l’exigence des cas. A l’égard des autres, la peine est arbitraire ; ils peuvent néanmoins aussi être condamnés à mort, selon la qualité du crime. Ceux qui imitent, contrefont, ou supposent quelqu’un des sceaux de la grande ou petite chancellerie, doivent être punis de mort.

Pour la punition du crime de fausse monnoie, voy. Monnoie.

Faux incident, est l’inscription de faux qui est formée contre quelque piece, incidemment à une autre contestation où cette piece est opposée ; soit que la cause se traite à l’audience, ou que l’affaire soit appointée.

L’objet du faux incident est de détruire & faire déclarer fausse ou falsifiée une piece que la partie adverse a fait signifier, communiquée ou produite.

Cette inscription de faux est appellée faux incident, pour la distinguer du faux principal, qui est intenté directement contre quelqu’un avec qui l’on n’étoit point encore en procès, pour aucun objet qui eût rapport à la piece qui est arguée de faux.

La poursuite du faux incident peut être faite devant toutes sortes de juges, soit royaux, seigneuriaux, ou d’église, qui se trouvent saisis du fond de la contestation ; & l’inscription de faux doit être instruite avant de juger le fond.

L’inscription de faux peut être reçûe, quand même les pieces auroient déjà été vérifiés avec le demandeur en faux, & qu’il seroit intervenu un jugement sur le fondement de ces pieces, pourvû qu’il ne fût pas alors question du faux principal ou incident de ces mêmes pieces.

La requête en faux incident ne peut être reçûe, qu’elle ne soit signée du demandeur, ou de son fondé de procuration spéciale. Il faut aussi attacher à la requête la quittance de l’amende, que le demandeur doit consigner. Cette amende est de soixante livres dans les cours & autres siéges ressortissans nuement aux cours, & de 20 livres dans les autres siéges.

Quand la requête est admise, le demandeur doit