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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/23

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tif de la révélation, & encore que ces vérités doivent être proposées aux fideles par l’autorité de l’Eglise. Sous le nom de vérités qui appartiennent à la foi ; quelques-uns ont compris même les vérités du premier ordre, & le plus grand nombre au moins celles de la seconde & de la troisieme espece. Mais je crois qu’il faut restreindre & expliquer leur assertion pour la rendre exacte.

Quoique toutes les vérités de ces différens ordres appartiennent à la foi, puisqu’on ne peut donner atteinte à une seule qu’on ne renverse la religion apportée aux hommes par Jesus-Christ, cependant on les croit par différens motifs qu’il ne faut pas confondre.

La persuasion des vérités de la premiere & de la seconde classe, a pour fondement les preuves, les raisonnemens, &c. les motifs de crédibilité que la raison seule nous présente. Ces principes sont antérieurs à toute révélation, & par conséquent ils ne peuvent être crûs par le motif de la révélation. Entrons dans quelque détail.

Comment croire raisonnablement l’existence de Dieu par le motif de la véracité de Dieu ? On supposeroit ce qu’on cherche à se prouver à soi-même. Il faut que celui qui s’approche de Dieu, croye d’abord qu’il est, & qu’il récompense ceux qui le cherchent. Accedentem ad Deum oportet credere quia est, & quod inquirentibus se remunerator sit. Heb. xj. 6.

L’ensemble des miracles par lesquels Jesus-Christ a constaté sa mission, celui de sa résurrection en particulier, qui a servi de sceau à tous les autres, ne sont pas crus non plus par le motif de la révélation (je ne dis pas qu’ils ne soient pas crus de foi divine) & cela par la raison qu’en donne l’apôtre : Si Christus non resurrexit, vana est fides nostra ; si Jesus-Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine, c’est-à-dire que la vérité de la révélation apportée aux hommes par Jesus-Christ, suppose la résurrection & les autres miracles de l’instituteur du Christianisme ; d’où il suit que dans l’ordre du raisonnement & des connoissances, on reconnoît la divinité de cette révélation parce qu’elle est appuyée sur les miracles & sur la résurrection de Jesus-Christ ; & on ne croit pas les miracles & la résurrection de Jesus-Christ par l’autorité de cette même révélation.

Nous plaçons au rang des vérités qui ne peuvent être crûes par le motif de la révélation dans l’ordre du raisonnement, l’existence de la révélation même, c’est-à-dire la vérité & la divinité des livres dans lesquels la révélation est en dépôt, parce qu’on ne peut pas croire cet ensemble de la révélation par le motif de la révélation & de la véracité de Dieu, sans tomber dans un cercle vicieux. (Je dis l’ensemble de la révélation, car l’authenticité d’une partie de la révélation d’un livre en particulier, par exemple, pourroit être prouvée par l’autorité d’un autre livre dont on auroit déjà établi la vérité & la divinité) ; je ne vois pas comment on peut révoquer cela en doute. Il est bien clair qu’on supposera l’état de la question, si on entreprend d’établir, ou ce qui est la même chose, si on croit que l’Ecriture est la parole de Dieu sur l’autorité de l’Ecriture considérée comme la parole de Dieu. De bons théologiens demeurent d’accord de ce principe.

Selon Holden, Analys. divinæ fidei lib. I. c. jv. les récits de l’Ecriture & cette vérité universellement reconnue que l’Ecriture est la parole de Dieu, ne sont point à proprement parler révélées, & ne sont point des articles ou des dogmes de la foi divine & catholique.

On peut rapprocher de ceci ce que nous citerons plus bas du P.Juenin, & l’analyse de la foi que nous proposerons.

D’habiles gens parmi les théologiens protestans ont soûtenu la même chose. La divinité de l’Ecriture,

selon la Placette, traité de la foi divine, liv. I. ch. v. n’est point un article de foi ; c’est un principe & un fondement de la foi qu’il faut prouver non par l’Ecriture, mais par d’autres raisons… Bien loin que la foi nous en persuade, nous ne croyons que parce que nous en sommes persuadés.

Les vérités de cette premiere & de cette seconde classe n’étant point à proprement parler révélées, & n’étant point crues par le motif de la révélation dans la foi raisonnée, ne sont point non plus l’objet des décisions de l’Eglise ; & ceci forme une autre exception à la proposition générale, que les dogmes de foi sont proposés aux fideles par l’autorité infaillible de l’Eglise ; car l’Eglise n’use vis-à-vis des fideles de son infaillible autorité, qu’en leur proposant les dogmes proprement révélés dont elle est juge, que son autorité même ne suppose point. Or ces vérités de la premiere classe ne peuvent être proposées comme révélées, mais seulement comme démontrées vraies par les lumieres de la raison, indépendamment de toute espece d’autorité. Et d’ailleurs, quand elles seroient à proprement parler révélées comme l’autorité de l’Eglise les suppose, elles ne pourroient être crues sur l’autorité de l’Eglise, mais seulement par le motif de la révélation. Voyez ce que nous dirons plus bas de l’analyse de la foi.

Voilà ce que j’avois à dire des motifs de la foi de ces vérités de la premiere & de la seconde espece. La persuasion du dogme capital de l’infaillibilité de l’Eglise que j’ai placé au troisieme rang, a pour motif la révélation même, puisque cette autorité infaillible de l’Egsise est établie sur des passages très clairs des livres proto-canoniques qui sont le fond même du Christianisme, & dont aucun chrétien ne conteste la vérité & la divinité.

Mais j’ajoûte que cette même doctrine n’est point proposée aux fideles par l’autorité infaillible de l’Eglise, puisque dans la foi raisonnée, qui est la seule dont nous parlons ici, le fidele qui la croiroit révélée sur ce motif, tomberoit dans un cercle vicieux bien manifeste.

Je sais que quelques théologiens prétendent qu’il n’y a point de sophisme dans cette maniere de raisonner, parce qu’en ce cas, disent-ils, on croit l’infaillibilité de l’Eglise par le motif de l’infaillibilité de l’Eglise ; ut in se virtualiter reflexam, comme virtuellement réfléchie en elle-même. Mais je sais aussi que cette explication est inintelligible.

Il nous reste à parler des vérités du quatrieme ordre & des motifs de la persuasion qu’on en a. Celles-ci n’étant point les fondemens de la révélation, & n’étant pas non plus antérieures dans l’ordre des connoissances & du raisonnement à la croyance de l’autorité infaillible de l’Eglise, deviennent l’objet principal sur lequel s’exerce cette autorité. C’est de l’Eglise même que nous les recevons comme révélés. Il y a plus ; nous ne pouvons nous assûrer qu’elles sont vraiment contenues dans la révélation, qu’en recevant de l’Eglise le sens des endroits de l’Ecriture qui les contiennent. C’est ce que nos controversistes ont établi contre les protestans, & en général contre tous les Hérétiques. Voyez Ecriture, Eglise, Infaillibilité.

Concluons que si on entend par le mot foi, ce qui est bien plus naturel, la persuasion de toutes les vérités qui font le corps de la doctrine chrétienne, il ne faut pas dire généralement que cette persuasion a pour motif la révélation divine, puisqu’il y a des vérités qui sont partie essentielle de la doctrine chrétienne, & dont la persuasion raisonnée a pour seuls motifs, ou des preuves que la raison fournit antérieurement à la révélation, tels que les principes de la premiere & de la seconde espece, ou le témoignage même de la révélation indépendamment de