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le second cas, les mots ne sont homonymes que relativement, parce que les sens différens sont désignés par des mots qui, malgré leur ressemblance, ont pourtant entre eux des différences, légeres à la vérité, mais réelles.

L’usage des homonymes de la premiere espece, exige que dans la suite d’un raisonnement, on attache constamment au même mot le même sens qu’on lui a d’abord supposé ; parce qu’à coup sûr, ce qui convient à l’un des sens ne convient pas à l’autre, par la raison même de leur différence, & que dans l’une des deux acceptions, on avanceroit une proposition fausse, qui deviendroit peut-être ensuite la source d’une infinité d’erreurs.

L’usage des homonymes de la seconde espece exige de l’exactitude dans la prononciation & dans l’orthographe, afin qu’on ne présente pas par mal-adresse un sens louche ou même ridicule, en faisant entendre ou voir un mot pour un autre qui en approche. C’est sur-tout dans cette distinction délicate de sons approchés, que consiste la grande difficulté de la prononciation de la langue chinoise pour les étrangers. Walton, d’après Alvarès Semedo, nous apprend que les Chinois n’ont que 326 mots, tous monosyllables ; qu’ils ont cinq tons différens, selon lesquels un même mot signifie cinq choses différentes, ce qui multiplie les mots possibles de leur langue jusqu’à cinq fois 326, ou 1630 ; & que cependant il n’y en a d’usités que 1228.

On peut demander ici comment il est possible de concilier ce petit nombre de mots avec la quantité prodigieuse des caracteres chinois que l’on fait monter jusqu’à 80000. La réponse est facile. On sait que l’écriture chinoise est hyéroglyphique, que les caracteres y représentent les idées, & non pas les élémens de la voix, & qu’en conséquence elle est commune à plusieurs nations voisines de la Chine, quoiqu’elles parlent des langues différentes. Voyez Ecriture chinoise. Or quand on dit que les Chinois n’ont que 1228 mots significatifs, on ne parle que de l’idée individuelle qui caractérise chacun d’eux, & non pas de l’idée spécifique ou de l’idée accidentelle qui peut y être ajoûtée : toutes ces idées sont attachées à l’ordre de la construction usuelle ; & le même mot matériel est nom, adjectif verbe, &c. selon la place qu’il occupe dans l’ensemble de la phrase. (Rhétorique du P. Lamy, liv. I. ch. x.) Mais l’écriture devant offrir aux yeux toutes les idées comprises dans la signification totale d’un mot, l’idée individuelle & l’idée spécifique, l’idée fondamentale & l’idée accidentelle, l’idée principale & l’idée accessoire ; chaque mot primitif suppose nécessairement plusieurs caracteres, qui servent à en présenter l’idée individuelle sous tous les aspects exigés par les vûes de l’énonciation.

Quoi qu’il en soit, on sent à merveille que la diversité des cinq tons qui varient au même son, doit mettre dans cette langue une difficulté très-grande pour les étrangers qui ne sont point accoutumés à une modulation si délicate, & que leur oreille doit y sentir une sorte de monotonie rebutante, dont les naturels ne s’apperçoivent point, si même ils n’y trouvent pas quelque beauté. Ne trouvons-nous pas nous-mêmes de la grace à rapprocher quelquefois des homonymes équivoques, dont le choc occasionne un jeu de mots que les Rhéteurs ont unis au rang des figures, sous le nom de paronomase. Les Latins en faisoient encore plus d’usage que nous, amantes sunt amentes. Voyez Paronomase. « On doit éviter les jeux qui sont vuides de sens, dit M. du Marsais, (des tropes, part. III. artic. 7.) mais quand le sens subsiste indépendamment des jeux de mots, ils ne perdent rien de leur mérite ».

Il n’en est pas ainsi de ceux qui servent de fonde-

ment à ces pitoyables rébus dont on charge ordinairement les écrans, & qui ne sont qu’un abus puérile des homonymes. C’est connoître bien peu le prix du tems, que d’en perdre la moindre portion à composer ou à deviner des choses si misérables ; & j’ai peine à pardonner au P. Jouvency, d’avoir avancé dans un très-bon ouvrage (de ratione discendi & docendi), que les rébus expriment leur objet, non sine aliquo sale, & de les avoir indiqués comme pouvant servir aux exercices de la jeunesse : cette méprise, à mon gré, n’est pas assez réparée par un jugement plus sage qu’il en porte presque aussitôt en ces termes : hoc genus facilè in pueriles ineptias excidit.

Qu’il me soit permis, à l’occasion des homonymes, de mettre ici en remarque un principe qui trouvera ailleurs son application. C’est qu’il ne faut pas s’en rapporter uniquement au matériel d’un mot pour juger de quelle espece il est. On trouve en effet des homonymes qui sont tantôt d’une espece & tantôt d’une autre, selon les différentes significations dont ils se revêtent dans les diverses occurrences. Par exemple, si est conjonction quand on dit, si vous voulez ; il est adverbe quand on dit, vous parlez si bien ; il est nom lorsqu’en termes de musique, on dit un si cadencé. En est quelquefois préposition, parler en maître ; d’autres fois il est adverbe, nous en arrivons. Tout est nom dans cette phrase, le tout est plus grand que sa partie ; il est adjectif dans celle-ci, tout homme est menteur ; il est adverbe dans cette troisieme, je suis tout surpris.

C’est donc sur-tout dans leur signification qu’il faut examiner les mots pour en bien juger ; & l’on ne doit en fixer les especes que par les différences spécifiques qui en déterminent les services réels. Si l’on doit, dans ce cas, quelque attention au matériel des mots, c’est pour en observer les différentes métamorphoses, qui ne sont toutes que la nature sous diverses formes ; car plus un objet montre de faces différentes, plus il est accessible à nos lumieres. Voyez Mot. (B. E. R. M.)

HOMOOUSIENS, HOMOUSIENS, HOMOUSIONISTES, HOMOUSIASTES, s. m. pl. (Théol.) sont les noms que les Ariens donnoient autrefois aux Catholiques, parce qu’ils soutenoient que le fils de Dieu est homoousios, c’est-à-dire consubstantiel à son pere. Voyez Heterousiens, Trinité, &c.

Hemeric, roi des Vandales, qui étoit arien, a adressé un rescrit à tous les évêques homousiens. Voyez Personne, &c. Dictionnaire de Trévoux. (G)

HOMOOUSIOS, adj. terme de Théologie, qui est de même substance ou essence qu’un autre. Voyez Substance, Personne, Hypostase.

La divinité de J. C. ayant été niée par les Ebionites & les Cérinthiens dans le premier siecle, par les Théodotiens dans le second, par les Artemoniens au commencement du troisieme, & par les Samosateniens ou Pauliens vers la fin du même siecle, on assembla un concile à Antioche en 272, où Paul de Samosate, chef de cette derniere secte, & l’évêque d’Antioche furent déposés. Ce même concile publia aussi un decret dans lequel J. C. est appellé fils de Dieu, & ὁμοούσιος, c’est-à-dire consubstantiel à son pere. Voyez Consubstantiel.

Le concile général de Nicée tenu en 325, contre Arius, adopta & consacra la même expression comme très-propre à énoncer la consubstantialité du verbe, & il n’y eut rien que les Ariens n’employassent pour faire condamner ce terme, ou du-moins le faire omettre ou rayer dans les professions de foi. Voyez Arianisme & Ariens. (G)

* HOMOPATORIES, s. f. (Hist. anc.) assemblées qui se tenoient chez les anciens ; elles étoient composées des peres dont les enfans devoient passer dans les curies. Dict. de Trévoux.