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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/629

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& que l’art même de l’Imprimerie ne put dissiper de long-tems.

Gravius (Henri), né à Louvain, où il avoit enseigné la Théologie ; mais il se rendit à Rome, appellé par le pape Sixte V, qui lui donna l’intendance de la bibliotheque, & de l’imprimerie du Vatican. Il y mourut peu de tems après, en 1591, agé de 55 ans.

Gryphius (Sébastien), né à Reutlingen, ville de Souabe, sur la fin du xv. siecle, vir insignis ac litteratus, dit Majorage. Il s’établit à Lyon, où il s’acquit un honneur singulier, par la beauté & l’exactitude de ses impressions. On estime beaucoup ses éditions de la bible en hébreu, & même tout ce qu’il a donné dans cette langue. On ne fait pas moins de cas de la bible latine qu’il publia en 1550, en 2 vol. in-folio. Il se servit pour cette édition latine du plus gros caractere qu’on eût vu jusqu’alors. Elle ne cede pour la beauté qu’à la seule bible imprimée au Louvre en 1642, en neuf volumes in-folio.

Son trésor de la langue sainte de Pagnin, qu’il mit au jour en 1529, est un chef-d’œuvre. Il avoit de très-habiles correcteurs ; l’errata des commentaires sur la langue latine d’Etienne Dolet, n’est que de huit fautes, quoique cet ouvrage forme 2. vol. in-folio. Gryphius mourut en 1556, à l’âge de 63 ans ; mais son fils Antoine Gryphius continua de soutenir la réputation de l’imprimerie paternelle.

Guttenberg (Jean), voilà le citoyen de Mayence, à qui l’opinion générale donne l’invention de l’Imprimerie dans le milieu du xv. siecle.

Après avoir essayé quelque tems l’idée qu’il en avoit conçûe, il s’associa Jean Faust, riche négociant de la même ville ; & avec l’aide de Schoeffer, qui étoit alors domestique, & qui depuis fut gendre de Faust ; ils travaillerent à exécuter leur dessein depuis 1440. Leur ébauche étoit d’abord très-imparfaite, puisqu’ils ne firent que tailler des lettres sur des planches de bois, comme on fait quand on veut écrire sur les vignettes gravées en bois. Mais ayant remarqué la longueur du travail qu’ils avoient mis à imprimer de cette maniere un vocabulaire latin, intitulé Catholicon, ils inventerent des lettres détachées & mobiles qu’ils firent de bois dur, jusqu’à ce que Schoeffer s’avisa de frapper des matrices, pour avoir des lettres de métal fondu.

Tritheme qui nous apprend ces particularités, les écrivoit en 1514 dans sa chronique de Hirshaugen, où il assûre qu’il les tenoit de Schoëffer lui-même ; & son témoignage sur cette matiere, est appuyé par l’auteur d’une chronique allemande, qui écrivoit en 1499, & qui dit qu’il savoit ce fait particulier d’Olric Zell hanovrien, imprimeur à Cologne.

Il est certain, que de toutes les premieres impressions qui portent quelque date, on n’en connoît point de plus anciennes, que celles de Faust & de Schoëffer. D’ailleurs, ils se sont toûjours donnés pour les premiers Imprimeurs de l’Europe, en marquant que Dieu avoit favorisé la ville de Mayence, de l’invention de ce bel art, sans qu’on voye que personne pendant cinquante ans les ait démentis, ni ait attribué cette découverte à d’autres. Consultez l’article Imprimerie, Hist. des inventions modernes.

Hervagius (Jean), né à Basle, contemporain d’Erasme, qui l’estimoit beaucoup. Si Alde Manuce, dit-il, a mis le premier au jour le prince des orateurs grecs, nous sommes redevables à Hervagius, de l’avoir fait paroître dans un état beaucoup plus accompli, & de n’avoir épargné ni soin, ni dépense, pour lui donner sa perfection. L’imprimerie de Basle, établie par Amerbach, soutenue par Froben, ne tomba point sous Hervagius, qui épousa la veuve de ce dernier.

Jenson (Nicolas), né en France, alla s’établir à

Venise en 1486, où il surpassa par la beauté de ses caracteres, les imprimeurs allemans que cette ville avoit eu jusqu’alors, & jetta les fondemens de la réputation que l’imprimerie de Venise s’acquit depuis par les beaux talens des Manuces.

Juntes (les) Juntæ, sont à jamais célebres entre les Imprimeurs du xvj. siecle. Ils s’établirent à Florence, à Rome, & à Venise, & tinrent le premier rang dans l’Italie avec les Manuces. Nous ne cessons d’admirer les éditions dont on leur est redevable ; & on a des catalogues qui font voir avec étonnement l’étendue & la multiplicité de leurs travaux.

Maire (Jean), hollandois, prit le parti de se fixer à Leyde, & d’y donner de charmantes éditions de livres latins. Grotius, Vossius, & Saumaise, en faisoient grand cas.

Manuces (les), ces habiles & laborieux artistes d’Italie, ont élevé l’Imprimerie dans leur pays au plus haut degré d’honneur.

Alde Manuce, Aldus Pius Manucius, le chef de cette famille, étoit natif de Bassano dans la marche Trévisane. Il a illustré son nom par ses propres ouvrages. On a de lui des notes sur Homere & sur Horace, qui sont encore estimées ; mais il est le premier qui imprima correctement le grec sans abbréviations, & grava de même que Colines, les caracteres romains de son imprimerie. Il mourut à Venise en 1516, dans un age fort avancé.

Paul Manuce son fils, né en 1512, soutint la réputation de son pere, & fut également versé dans l’intelligence des langues & des humanités. On lui doit en ce genre la publication d’excellens ouvrages de sa main, sur les antiquités greques & romaines, outre des lettres composées avec un travail infini. On lui doit en particulier une édition très-estimée des œuvres de Cicéron, avec des notes & des commentaires.

Pie I V. le mit à la tête de l’imprimerie apostolique & de la bibliotheque vaticane. Il mourut à 62 ans en 1574, & eut pour fils Alde Manuce le jeune, qui servit encore à rehausser sa gloire.

En effet, ce dernier passa pour l’un des plus savans hommes de son siecle. Clément VIII. lui donna la direction de l’imprimerie du Vatican ; mais cette place étant d’un fort modique revenu, il fut contraint pour subsister, d’accepter une chaire de rhétorique, & de vendre la magnifique bibliotheque que son pere, son ayeul, ses grands oncles, avoient formée avec un soin extrème, & qui contenoit, dit-on, quatre-vingt mille volumes. Enfin, il mourut à Rome en 1597, sans autre récompense, que les éloges dus à son mérite ; mais il laissa des ouvrages précieux ; tels sont ses commentaires sur Cicéron, Horace, Salluste, & Velleius Paterculus, de même que son livre dell’antichita delle romane inscrizioni. Ses lettere sont écrites avec la politesse d’un homme de cour qui seroit très-éclairé.

Mentel (Jean), gentilhomme allemand de Strasbourg, à qui quelques auteurs attribuent l’invention de l’Imprimerie en 1440. Ils disent qu’il fit des lettres de buis ou de poirier, puis d’étain fondu, & ensuite d’une matiere composée de plomb, d’étain, de cuivre, & d’antimoine, mêlés ensemble. Ils ajoutent que Mentel employa Guttemberg pour faire des matrices & des moules ; & qu’ensuite Guttenberg se rendit à Mayence, où il s’associa Faust. Mais, outre que tous ces faits ne sont point appuyés de preuves, on ne produit aucun livre imprimé dans les premiers tems à Strasbourg. Enfin, il est certain que Guttenberg & ses associés, ont passé pendant 50 ans, pour les inventeurs de l’Imprimerie, & s’en sont glorifiés hautement, sans que personne se soit alors avisé de les démentir, ni de leur opposer Mentel.

Millanges (Simon), né dans le Limousin en 1540,