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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/930

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morbus, c’est en général l’état de l’animal vivant, qui ne jouit pas de la santé ; c’est la vie physique dans un état d’imperfection.

Mais pour déterminer avec plus de précision la signification de ce terme, qui d’ailleurs est mieux entendu ou mieux senti de tout le monde qu’il n’est aisé d’en donner une définition bien claire & bien exacte, il convient d’établir ce que c’est que la vie, ce que c’est que la santé.

Quiconque paroît être en santé, est censé posséder toutes les conditions requises pour jouir actuellement, non-seulement de la vie, mais encore de l’état de vie dans la perfection plus ou moins complette, dont elle est susceptible.

Mais comme la vie, par elle-même, consiste essentiellement dans l’exercice continuel des fonctions particulieres, sans lesquelles l’animal seroit dans un état de mort décidé ; il suffit donc que l’exercice de ses fonctions subsiste, ou du moins qu’il ne soit suspendu que de maniere à pouvoir encore être rétabli pour qu’on puisse dire que la vie existe : toutes les autres fonctions peuvent cesser ou être suspendues, ou être abolies sans qu’elle cesse.

Ainsi la vie est proprement cette disposition de l’économie animale, dans laquelle subsiste le mouvement des organes nécessaires pour la circulation du sang & pour la respiration, ou même seulement le mouvement du cœur, quelque imparfaitement qu’il se fasse.

La mort est la cessation entiere & constante de ce mouvement, par conséquent de toutes les fonctions du corps animal ; la santé ou la vie saine qui est l’état absolument opposé, consiste donc dans la disposition de toutes ses parties, telle qu’elle soit propre à l’exécution de toutes les fonctions dont il est susceptible, relativement à toutes ses facultés & à l’âge, au sexe, au tempérament de l’individu : ensorte que toutes ces fonctions soient actuellement en exercice, les unes ou les autres, selon les différens besoins de l’économie animale, non toutes ensemble, ce qui seroit un desordre dans cette économie, parce qu’elle exige à l’égard de la plûpart d’entre elles, la succession d’exercice des unes par rapport aux autres ; mais il suffit qu’il y ait faculté toujours subsistante, par laquelle elles puissent, lorsqu’il est nécessaire, être mises en action sans aucun empêchement considérable. V. Vie, Santé, Mort.

La maladie peut être regardée comme un état moyen entre la vie & la mort : dans le premier de ces deux états, il y a toujours quelqu’une des fonctions qui subsiste, quelque imparfait que puisse en être l’exercice ; au-moins la principale des fonctions auxquelles est attachée la vie, ce qui distingue toujours l’état de maladie de l’état de mort, tant que cet exercice est sensible ou qu’il reste susceptible de le devenir.

Mais comme celui de toutes les différentes fonctions ne se fait pas sans empêchement dans la maladie ; qu’il est plus ou moins considérablement altéré par excès ou par défaut, & qu’il cesse même de pouvoir se faire à l’égard de quelqu’une ou de plusieurs ensemble, c’est ce qui distingue l’état de maladie de celui de santé.

On peut, par conséquent, définir la maladie une disposition vicieuse, un empêchement du corps ou de quelqu’un de ses organes, qui cause une lésion plus ou moins sensible, dans l’exercice d’une ou de plusieurs fonctions de la vie saine, ou même qui en fait cesser absolument quelqu’une, toutes même, excepté le mouvement du cœur.

Comme le corps humain n’est sujet à la maladie que parce qu’il est susceptible de plusieurs changemens qui alterent l’état de santé ; quelques auteurs ont défini la maladie, un changement de l’état natu-

rel en un état contre nature : mais cette définition

n’est, à proprement parler, qu’une explication du nom, & ne rend point raison de ce en quoi consiste ce changement, d’autant que l’on ne peut en avoir une idée distincte, que l’on ne soit d’accord sur ce que l’on entend par le terme de nature & contre nature, sur la signification desquels on convient très peu, parmi les Médecins : ainsi cette définition est tout au-moins obscure, & n’établit aucune idée distincte de la maladie.

Il en est ainsi de plusieurs définitions rapportées par les anciens, telles que celle de Galien ; savoir, que la maladie est une affection, une disposition, une constitution contre nature. On ne tire pas plus de lumieres de quelques autres proposées par des modernes ; telles sont celles qui présentent la maladie, comme un effort, une tendance vers la mort, un concours de symptomes ; tandis qu’il est bien reconnu qu’il y a des maladies salutaires, & que l’expérience apprend qu’un seul symptome peut faire une maladie. Voyez Mort, Symptome, Nature.

La définition que donne Sydenham n’est pas non plus sans défaut ; elle consiste à établir que la maladie est un effort salutaire de la nature, un mouvement extraordinaire qu’elle opere pour emporter les obstacles qui se forment à l’exercice des fonctions, pour séparer, pour porter hors du corps ce qui nuit à l’économie animale.

Cette idée de la maladie peche d’abord par la mention qu’elle fait de la nature sur laquelle on n’est pas encore bien convenu : ensuite elle suppose toujours un excès de mouvement dans l’état de maladie, tandis qu’il dépend souvent d’un défaut de mouvement, d’une diminution ou cessation d’action dans les parties affectées : ainsi la définition ne renferme pas tout ce qui en doit faire l’objet. D’ailleurs, en admettant que les efforts extraordinaires de la nature constituent la maladie, on ne peut pas toujours les regarder comme salutaires, puisqu’ils sont souvent plus nuisibles par eux-mêmes que la cause morbifique qu’ils attaquent ; que souvent même ils sont cause de la mort ou du changement d’une maladie en une autre, qui est d’une nature plus funeste. Ainsi la définition de Sydenham ne peut convenir qu’à certaines circonstances que l’on observe dans la plûpart des maladies, sur-tout dans celles qui sont aiguës ; telles sont la coction, la crise. Voyez Effort, Coction, Crise, Exspectation.

Le célebre Hoffman, après avoir établi de bonnes raisons pour rejetter les définitions de la maladie les plus connues, se détermine à en donner une très-détaillée, qu’il croit, comme cela se pratique, préférable à toute autre. Selon lui, la maladie doit être regardée comme un changement considérable, un trouble sensible dans la proportion & l’ordre des mouvemens qui doivent se faire dans les parties solides & fluides du corps humain, lorsqu’ils sont trop accélérés ou retardés dans quelques-unes de ses parties ou dans toutes ; ce qui est suivi d’une lésion importante, dans les sécrétions, dans les excrétions, & dans les autres fonctions qui composent l’économie animale ; ensorte que ce desordre tende ou à opérer une guérison, ou à causer la mort, ou à établir la disposition à une maladie différente & souvent plus pernicieuse à l’économie animale.

Mais cette définition est plûtôt une exposition raisonnée de ce en quoi consiste la maladie, de ses causes & de ses effets qu’une idée simple de sa nature, qui doit être présentée en peu de mots. Mais cette exposition paroît très-conforme à la physique du corps humain, & n’a rien de contraire à ce qui vient d’être ci-devant établi, que toute lésion de fonction considérable & plus ou moins constante, présente l’idée de la maladie, qui la distingue suffisamment de