Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/134

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médité le malheur de leurs enfants, l’éducation de Lacédémone à un enfant destiné à vivre à Paris. Si elle est mauvaise, c’est la faute des mœurs de ma nation, et non la mienne ; en répondra qui pourra. Je veux que mon fils soit heureux, ou, ce qui revient au même, honoré, riche et puissant. Je connais un peu les voies les plus faciles d’arriver à ce but, et je les lui enseignerai de bonne heure. Si vous me blâmez, vous autres sages, la multitude et le succès m’absoudront. Il aura de l’or, c’est moi qui vous le dis. S’il en a beaucoup, rien ne lui manquera, pas même votre estime et votre respect.

MOI. — Vous pourriez vous tromper.

LUI. — Ou il s’en passera, comme bien d’autres…

Il y avait dans tout cela beaucoup de ces choses qu’on pense, d’après lesquelles on se conduit, mais qu’on ne dit pas. Voilà, en vérité, la différence la plus marquée entre mon homme et la plupart de nos entours : il avouait les vices qu’il avait, que les autres ont ; mais il n’était pas hypocrite. Il n’était ni plus ni moins abominable qu’eux ; il était seulement plus franc et plus conséquent, et quelquefois profond dans la dépravation.