Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/159

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prise que pour cela, je lui avais confié mes projets, et elle avait trop de sagacité pour n’en pas concevoir la certitude et trop de jugement pour ne les pas approuver…

(Et puis le voilà qui sanglote et qui pleure, en disant : ) Non, non, je ne m’en consolerai jamais. Depuis, j’ai pris le rabat et la calotte.

MOI. — De douleur ?

LUI. — Si vous voulez. Mais le vrai, pour avoir mon écuelle sur ma tête… Mais voyez un peu l’heure qu’il est, car il faut que j’aille à l’Opéra.

MOI. — Qu’est-ce qu’on donne ?

LUI. — Le Dauvergne[1]. Il y a d’assez belles choses dans sa musique ; c’est dommage qu’il ne les ait pas dites le premier. Parmi ces morts, il y en a toujours qui désolent les vivants. Que voulez-vous ? Quisque suos patimur manes. Mais il est cinq heures et demie, j’entends la cloche qui sonne les vêpres de l’abbé de Cannaye[2] et les

  1. Auteur des Troqueurs, le premier opéra-comique français écrit dans les conditions du genre.
  2. Oratorien, membre de l’Académie des inscriptions, ami de d’Alembert, mort en 1782.