Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/143

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seuls. » On attribue à Bion une réponse analogue : quelqu’un lui ayant demandé s’il y a des dieux, il dit : « Écarte de moi la foule, malheureux vieillard. »

Stilpon était simple, ouvert, affable pour tout le monde. Un jour qu’il parlait à Cratès le cynique, celui-ci, au lieu de lui répondre, lâcha un vent : « Je savais bien, lui dit Stilpon, que tu ferais une tout autre réponse que celle qu’il fallait faire. »

Une autre fois Cratès lui présenta une figue en lui faisant une question ; il la prit et la mangea. « J’ai perdu ma figue, s’écria Cratès. — Non-seulement ta figue, reprit Stilpon, mais aussi ta question dont elle était le gage. »

L’ayant un jour rencontré grelottant de froid, il lui dit : « Cratès, tu aurais besoin d’être remis à neuf. » Il lui donnait à entendre par là qu’il avait autant besoin d’esprit que d’habit. Cratès, piqué au vif, lui répondit en parodiant un passage d’Homère :

J’ai vu Stilpon accablé de mille maux, à Mégare, là où habite le vaporeux Typhon[1]. Il suait à discuter, entouré de nombreux compagnons de misère ; tous s’épuisaient à l’envi à poursuivre un mot, celui de vertu.

On dit que, pendant son séjour à Athènes, il excita un si vif intérêt qu’on désertait les ateliers pour courir le voir. Quelqu’un lui dit alors : « Stilpon, on t’admire comme une bête curieuse. — Non, reprit-il, mais comme un homme véritable. »

Il portait la subtilité à l’excès, au point qu’il supprimait les notions générales : « Celui qui parle de l’homme en général, disait-il, ne désigne personne ; il n’a en vue ni celui-ci, ni celui-là ; car pourquoi

  1. Τύφος, « fumée ; » allusion aux subtilités philosophiques.