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CHAPITRE IV.


CRATÈS.

Cratès, fils d’Antigène, était originaire du dème de Thria[1]. Disciple de Polémon et tendrement aimé de lui, il lui succéda à la tête de son école. Telle était leur amitié réciproque que non-seulement ils eurent mêmes goûts, mêmes études pendant leur vie, mais qu’ils furent presque jusqu’au dernier soupir comme le modèle vivant l’un de l’autre, et partagèrent le même tombeau après leur mort. Aussi Antagoras les a-t-il réunis dans l’épitaphe suivante :

Passant, sache que ce monument couvre le sublime Cratès et Polémon, deux âmes animées d’une même pensée, deux grands cœurs ! Leur bouche divine ne fit jamais entendre que de saintes paroles, et une conduite pure, formée par la sagesse, réglée par des dogmes immuables, les a préparés à la vie céleste.

On rapporte qu’Arcésilas, lorsqu’il quitta Théophraste pour Polémon et Cratès, disait d’eux que c’étaient des dieux ou des débris de l’âge d’or. Ils ne recherchaient point la faveur populaire, et on pourrait leur appliquer ce que le joueur de flûte Dionysodore disait avec orgueil de lui-même : que, semblable à Isménias, il n’avait jamais prostitué son art dans un carrefour ou auprès d’une fontaine.

Cratès était, suivant Antigonus, commensal de Crantor, et tous deux vivaient dans l’intimité d’Arcé-

  1. Dème de la tribu ænéide.