Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/335

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sous ses yeux tout ce qu’il possédait en lui disant : « Voilà l’époux, voilà le patrimoine ; réfléchis ; tu ne seras ma compagne qu’à la condition d’adopter le même genre de vie que moi. » La jeune fille se décida sur-le-champ ; elle prit le même vêtement que lui et le suivit partout. Elle se livrait à lui en public et prenait place avec lui dans les festins[1]. Un jour entre autres, étant à un repas chez Lysimaque, elle adressa ce sophisme à Théodore l’athée : « Ce qui est permis à Théodore l’est aussi à Hipparchie ; il est permis à Théodore de se frapper lui-même ; il est donc permis à Hipparchie de frapper Théodore. » Au lieu de répondre à l’argument, Théodore alla relever sa tunique et la mit à nu ; mais quoique femme elle ne fut ni troublée ni déconcertée ; et comme il lui appliquait ce vers :

Quelle est la femme qui a abandonné la navette auprès de la toile[2] ?

elle répliqua sur-le-champ : « C’est moi qui suis cette femme ; mais crois-tu que j’aie pris un mauvais parti en consacrant à l’étude le temps que j’aurais perdu à faire de la toile ? »

On cite beaucoup d’autres traits semblables de cette femme philosophe.

Cratès[3] a laissé un livre de lettres remplies d’une excellente philosophie et dont le style égale quelquefois celui de Platon. Il a aussi composé des tragédies marquées au coin de la plus sublime philosophie ; témoin ce passage :

  1. Les femmes en étaient exclues.
  2. Euripide, Bacch., v. 1228.
  3. Il résulte de ce passage que primitivement les vies de Métroclès et d’Hipparchie n’étaient point séparées de celle de Cratès.