Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/417

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le travail la terre dure et stérile que je laboure. »

Souvent il s’adressait des reproches à lui-même ; Ariston, l’ayant entendu, lui dit : « Qui donc réprimandes-tu ? — Je m’adresse, reprit Cléanthe en riant, à un vieillard qui a des cheveux blancs, mais du bon sens, point. »

On accusait devant lui Arcésilas de négliger ses devoirs : « Taisez-vous, dit Cléanthe ; s’il supprime le devoir par ses discours, il le rétablit par ses actions. — Je n’aime pas la flatterie, reprit Arcésilas. — Aussi, ajouta Cléanthe, je ne te flatte pas en avançant que tes discours sont en contradiction avec tes actions. »

Quelqu’un lui demandait quelles leçons il devait inculquer à son fils : « Ce précepte d’Électe, dit-il :

Silence, silence, va doucement[1]. »

Un Lacédémonien lui ayant dit que le travail est un bien, il s’écria avec transport :

Cher enfant, tu es né d’un sang généreux[2].

Hécaton rapporte dans les Chries qu’un jeune garçon lui fit un jour ce raisonnement : « Puisque frapper les fesses se dit fesser, frapper les cuisses doit aussi se dire cuisser.  » À quoi il répondit : « Jeune homme, garde pour toi le manège des cuisses[3], et sache que les mots analogues n’expriment pas toujours des choses analogues. »

Un autre fois, s’entretenant avec un jeune homme, il lui demanda s’il comprenait, et sur sa réponse affirmative il lui dit : « Comment se fait-il que je ne comprenne pas que tu comprends ? »

  1. Euripide, Oreste, v. 140.
  2. Homère, Odyss., IV, 611.
  3. On comprend sans explication le sens de ce grossier bon mot.