Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/581

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cueillir, mais elle ne se maintient que par un échange mutuel de plaisir.

Il y a deux espèces de bonheur : le bonheur parfait, celui des dieux, par exemple, qui ne comporte aucune augmentation, et un bonheur moins élevé qui admet le plus et le moins dans la jouissance. Le sage peut élever des statues, s’il en a à sa disposition ; s’il n’en a pas, peu importe. Il est le seul juge compétent en musique et en poésie. Il réalise des poëmes, mais n’en compose pas. Il n’y a pas de degrés dans la sagesse. Le sage peut, s’il est pauvre, chercher à s’enrichir, mais par la sagesse seule. Il peut, dans l’occasion, offrir ses hommages aux rois et flatter pour corriger. Il tient école, mais n’y admet pas la foule. Il peut quelquefois lire en public, mais à son corps défendant. Il est dogmatique et non sceptique. Dans le sommeil comme dans la veille il est toujours le même ; au besoin il meurt pour un ami.

Telles sont leurs doctrines. J’arrive à la lettre :

ÉPICURE À MÉNŒCÉE, SALUT.

Que le jeune homme ne diffère point l’étude de la philosophie ; que le vieillard ne s’en lasse pas ; car il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour recourir au remède de l’âme. Prétendre qu’il n’est pas temps encore de s’adonner à la philosophie, ou qu’il est trop tard, c’est prétendre qu’il est trop tôt pour être heureux, ou qu’il n’est plus temps. Jeune ou vieux, on a également besoin de la philosophie : vieux, pour se rajeunir au bonheur par le souvenir du passé ; jeune, afin que, considérant l’avenir sans inquiétude, on jouisse à la fois des avantages de la jeunesse et de ceux de la vieillesse. Méditons donc sur les vraies sources du bonheur ; car avec lui nous possédons tout ; le bonheur absent, nous faisons tout pour l’atteindre. Conforme-toi aux principes que je t’ai souvent inculqués ; médite-les et sois bien persuadé que ce sont là les véritables sources de la félicité.