Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/625

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pure et sereine, à l’abri de la criminelle impiété. Autrefois, lorsque tu cherchais à t’élancer hors des flots amers de la vie charnelle, hors de ce tourbillon qui donne le vertige, bien souvent au milieu des flots, au plus fort de la tempête, les immortels t’ont montré le port tout près de toi. Bien des fois, lorsque ton intelligence dans ses sublimes élans s’égarait dans des voies obliques, les dieux eux-mêmes t’ont soulevé pour te porter aux régions éternelles, dans le droit chemin de la vérité. Au milieu des plus épaisses ténèbres ils ont fait briller à tes yeux les rayons de la céleste lumière.

Jamais le sommeil trompeur ne ferma complétement ta paupière ; tu as écarté de tes yeux les pesantes ténèbres et leurs souillures ; alors même que tu étais ballotté sur les flots, ta vue a contemplé d’agréables spectacles, tels que n’en vit jamais aucun des hommes qui ont cherché à sonder les profondeurs de la sagesse. Aujourd’hui, ton âme dégagée des liens du corps, échappée à son enveloppe mortelle, entre, génie nouveau, dans l’assemblée des génies. C’est là qu’habite l’Amitié, au milieu de mille souffles embaumés ; l’Amour y sourit tout brillant d’une joie pure, et se désaltère au milieu des flots d’ambroisie que les dieux renouvellent sans cesse ; c’est là que se forment les liens délicieux de l’amour, les douces haleines, les souffles enivrants. Là sont Minos et Rhadamante, ces deux frères, cette race d’or issue du grand Jupiter ; avec eux le juste Éaque ; Platon, ce feu sacré ; le beau Pythagore, tous ceux qui ont formé le chœur de l’amour immortel, tous ceux qui ont participé de la nature des génies immortels. Là enfin, au milieu des tables sacrées, l’âme est inondée d’une joie éternelle. Heureux Plotin, après des combats sans nombre, tu t’es arraché à cette vie ennemie pour t’élancer aux demeures des purs génies. Suspendons nos accords, cessons nos danses harmonieuses, muses amies de Plotin ; voilà ce qu’avait à chanter ma lyre d’or à la gloire de ce génie fortuné.

XXII.

Il est dit dans ces vers que Plotin était bon et doux, facile et bienveillant, ce que j’ai été à même d’apprécier par ma propre expérience. On y voit encore qu’il prolongeait ses veilles, se conservait pur de toute