Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/72

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nion de ces conditions. Ainsi, quoique le loup et le renard habitent depuis la zone torride jusqu’à la zone glaciale, à peine éprouvent-ils, dans cet immense intervalle, d’autre variété qu’un peu plus ou un peu moins de beauté dans leur fourrure. J’ai comparé des crânes de renards du Nord et de renards d’Egypte avec ceux des renards de France, et je n’y ai trouvé que des différences individuelles.

Ceux des animaux sauvages qui sont retenus dans des espaces plus limités varient bien moins encore, surtout les carnassiers. Une crinière plus fournie fait la seule différence entre l’hyène de Perse et celle de Maroc.

Les animaux sauvages herbivores éprouvent un peu plus profondément l’influence du climat, parce qu’il s’y joint celle de la nourriture, qui vient à différer quant à l’abondance et quant à la qualité. Ainsi les éléphans seront plus grands dans telle forêt que dans telle autre ; ils auront des défenses un peu plus longues dans les lieux où la nourriture sera plus favorable à la formation de la matière de l’ivoire ; il en sera de même des rennes, des cerfs, par rapport à leur bois : mais que l’on prenne les deux éléphans les plus dissemblables, et que l’on voie s’il y a la moindre différence dans le nombre ou les articulations des os, dans la structure de leurs dents, etc.

D’ailleurs les espèces herbivores à l’état sauvage paraissent plus restreintes que les carnassières dans leur dispersion, parce que l’espèce de la nourriture se joint à la température pour les arrêter.

La nature a soin aussi d’empêcher l’altération des espèces, qui pourrait résulter de leur mélange, par l’aversion mutuelle qu’elle leur a donnée. Il faut toutes les ruses, toute la puissance de l’homme pour faire contracter ces unions, même aux espèces qui se ressemblent le plus ; et quand les produits sont féconds, ce qui est très-rare, leur fécondité ne va point au-delà de quelques générations, et n’aurait probablement pas lieu sans la continuation des soins qui l’ont excitée. Aussi ne voyons-nous pas dans nos bois d’individus intermédiaires entre le lièvre et le lapin, entre le cerf et le daim, entre la marte et la fouine.

Mais l’empire de l’homme altère cet ordre ; il développe toutes