Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/75

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semblables matières nous ne pouvons guère juger de ce qu’un long temps produirait, qu’en multipliant par la pensée ce que produit un temps moindre. J’ai donc cherché à recueillir les plus anciens documens sur les formes des animaux, et il n’en existe point qui égalent, pour l’antiquité et pour l’abondance, ceux que nous fournit l’Egypte. Elle nous offre, non seulement des images, mais les corps des animaux eux-mêmes embaumés dans ses catacombes.

J’ai examiné avec le plus grand soin les figures d’animaux et d’oiseaux gravés sur les nombreux obélisques venus d’Egypte dans l’ancienne Rome. Toutes ces figures sont, pour l’ensemble, qui seul a pu être l’objet de l’attention des artistes, d’une ressemblance parfaite avec les espèces telles que nous les voyons aujourd’hui.

Chacun peut examiner les copies qu’en donnent Kirker et Zoega : sans conserver la pureté de trait des originaux, elles offrent encore des figures très-reconnaissables. On y distingue aisément l’ibis, le vautour, la chouette, le faucon, l’oie d’Egypte, le vanneau, le râle de terre, la vipère haje ou l’aspic, le céraste, le lièvre d’Egypte avec ses longues oreilles, l’hippopotame même ; et dans ces nombreux monumens gravés dans le grand ouvrage sur l’Egypte, on voit quelquefois les animaux les plus rares, l’algazel, par exemple, qui n’a été vu en Europe que depuis quelques années[1].

Mon savant collègue, M. Geoffroi Saint-Hilaire, pénétré de l’importance de cette recherche, a eu soin de recueillir dans les tombeaux et dans les temples de la Haute et de la Basse-Egypte le plus qu’il a pu de momies d’animaux. Il a rapporté des chats, des ibis, des oiseaux de proie, des chiens, des singes, des crocodiles, une tête de bœuf, embaumés ; et l’on n’aperçoit certainement pas plus de différence entre ces êtres et ceux que nous voyons, qu’entre les momies humaines et les squelettes d’hommes d’aujourd’hui. On pouvait en trouver entre les momies d’ibis et l’ibis, tel que le décrivaient jusqu’à

  1. La première image que l’on en ait d’après nature est dans la Description de la Ménagerie, par mon frère : on le voit parfaitement représenté, Descrip. de l’Égypte. Antiq., tome IV, planche XLIX.