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Page:Donnet - Le Dauphiné, 1900.djvu/321

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le dauphiné.

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Mais le diable corrompt tout, même les chanoines. Sous sa néfaste influence, ces dévots personnages se livrent aux pires dérèglements. Ils tyrannisent leurs vassaux. Ceux-ci protestent. Les querelles grandissent, poussent à la guerre civile : trois siècles de guerre civile !

À Romans. — L’église Saint-Barnard.

« Cet état de révolte impose aux bourgeois romanais le besoin de s’unir. Ils s’érigent en confédération municipale, embryon de forme républicaine, et, pour l’indépendance de leurs besoins sociaux, s’adonnent aux affaires. Leurs usines deviennent le centre le plus considérable des vallées du Rhône et de l’Isère pour la fabrication des draps. Ils vont jusqu’en Asie échanger des droguets contre des épices. »

Et Romans est resté la ville commerçante du moyen âge. Dans ses rues anguiformes aux murailles culottées à la Goya : plus de drapiers, mais des cordonniers, des galochiers, des chapeliers, des cordiers. Chapeaux, souliers et cordes font vivre une armée de coupeurs et de souffleurs de poils, de tireurs de chanvre et de ligneuls.

Quand cette armée sort le soir, son travail fini, les petites places caillouteuses aux escaliers amputés de plusieurs marches, les longues avenues craquantes de poussière, les quartiers neufs, orgueilleux, à cinq étages, s’emplissent d’accent dauphinois, nulle part plus pur, plus religieusement conservé. Les sabots troc-troquent sur les trottoirs ; des compagnies d’hommes s’attardent au café, vident leurs dernières bouteilles, avant d’aller manger la soupe ; des bataillons de femmes passent en jacassant… Et tous ces braves gens, à la lueur clignotante des rares réverbères, ont presque le fantastique des eaux-fortes de Rembrandt.