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Page:Donnet - Le Dauphiné, 1900.djvu/354

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le dauphiné.

Ces derniers sont Français depuis 1349, électeurs depuis 1848, républicains ou monarchistes, prolétaires ou millionnaires, hommes ou femmes…

Quoi de plus ?

Définir, suivant quelque précision, le type intellectuel et moral des habitants d’une même province, m’a toujours semblé besogne pour ceux qui ont du temps de reste.

Forme propre, marque individuelle : on dit que nous avons gardé tout cela. Je n’y crois guère.

Autrefois, dans l’isolement montagnard, alors qu’il fallait, pour franchir les cols, se cramponner à l’échine d’un mulet, durant des semaines entières… autrefois, oui, nous devions être « un intéressant microcosme, distinct du voisin » ; mais maintenant, avec les routes soigneusement entretenues par les Ponts et Chaussées, avec les locomotives, les bateaux à vapeur et les automobiles… maintenant, nous sommes tous des « déracinés ».

Les fils ne veulent plus rester là où étaient les pères. Leurs besoins d’existence accrus par l’instruction, l’espoir de trouver ailleurs un travail mieux rémunéré, toute une nouvelle formule sociale qui tend, malgré nos accès de foi solidaristes, à isoler l’individu — les poussent aux migrations faciles.

Depuis vingt ans, on nous répète que l’agriculture manque de bras. Il faudra bien enfin finir par le croire. La population rurale diminue, donc la population urbaine augmente et cet accroissement « sonne le glas de notre originalité ». La médaille dauphinoise, ainsi que l’a si finement reconnu M. de Crozals, a perdu la netteté de sa frappe et de son contour.

C’est dommage, car cette médaille était restée, pendant des siècles, presque pure de tout contact… Mais c’est le progrès. Et les Bretons, et les Berrichons, et les Auvergnats auraient autant de droits à se plaindre…

Rebusque novis infidelis Allobrox.

« L’Allobroge perfide et amateur de nouveautés. » — Ce vers d’Horace est le premier témoignage de l’antique sur le génie dauphinois.

Témoignage un peu rosse dont nous devrons cependant supporter l’injustice jusqu’en 1575, époque à laquelle les auteurs de la Cosmographie universelle nous vengent, en s’exprimant de la sorte :

« De tous temps, ce peuple a esté fort jaloux de sa liberté et a deffendu, au pris de son sang ; ses franchises, est vaillant en guerre, constant à la poursuite de ses affaires, soigneux à conserver le sien, et quoiqu’il ait l’esprit grossier, se ressentant de la rudesse montagnoise, et qu’il y ait quelque barbarie farouche parmi les champêtres, si est-ce que la noblesse et les bourgeois des villes y sont courtois, affables, de bon et gentil esprit, capables des sciences et surtout des mathématiques, curieux rechercheurs des secrets naturels, libres honestement en paroles, peu dissimulés et