Page:Dorchain - L’Art des vers, 1921.djvu/23

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pour ne plus faire, des deux strophes, qu’une seule phrase musicale destinée à s’élargir et à croître jusqu’à la fin en sonorité et en majesté :

Et les étoiles d’or, légions infinies,
A voix haute, à voix basse, avec mille harmonies...

Dans ce second vers, le poète, par une opération naturelle à la poésie, a fait une transposition d’un sens à un autre : il a transposé l’impression visuelle en une impression auditive. Aux bois et aux monts qui les interrogent, les flots et les astres doivent répondre : il leur faut donc une voix. Les astres brillent à des degrés divers, selon leur éloignement ou leur grandeur, et ils forment, là-haut, des groupements qu’on appelle des constellations : eh bien, les scintillements plus ou moins intenses des étoiles vont devenir des voix plus ou moins sonores, et les mille figures des constellations deviendront mille harmonies perceptibles, non plus aux yeux, mais à l’oreille :

Et les étoiles d’or, légions infinies,
A voix haute, à voix basse, avec mille harmonies,
Disaient, en inclinant leur couronne de feu...

Que disaient-elles ? Est-ce que leur réponse va remplir les trois vers qui nous restent ? Non, la réponse des flots serait oubliée et, de plus, l’équilibre entier du poème serait rompu. Le poète l’a senti : par une inspiration géniale, par une hardiesse sans exemple, il arrête un instant ici sa phrase, il la suspend comme dans le vide, il va, descendant des cieux vers la mer, recueillir à son tour la réponse des vagues, et alors seulement, il la réunit à celle des étoiles dans un unisson prodigieux, — au moyen de ce simple mot de rappel : « Disaient » — pour les balancer ensemble, fumées