égaux. En musique, l’élément de sécurité sera fourni
par le battement régulier de la mesure, à laquelle
l’esprit et l’ouïe s’abandonneront, se confieront avec
délices pour jouir d’autant mieux des surprises de la
mélodie. En versification, la sécurité viendra du nombre
régulier des syllabes du vers, du retour régulier
de la rime, tandis que la variété des rimes au bout du
vers et les souples modulations des syllabes accentuées
ou atones dans l’intérieur du vers, apporteront
au lecteur, joint à cette sécurité délicieuse, l’enchantement
d’une perpétuelle surprise.
Est-ce un besoin puéril et artificiel, ce désir de sécurité,
satisfait par le rythme des vers, qui s’ajoute au
désir de surprise si complètement satisfait déjà par
la prose ? Des prosateurs orgueilleux et peu sensibles
à la poésie voudraient bien nous le faire croire. Ils
traiteraient volontiers d’enfantillage cette attente de
la mesure égale et de l’écho de la rime... Elle est, au
contraire, comme je le laissais prévoir en commençant,
la manifestation d’une des tendances les plus essentielles
de l’esprit, celle qui, par exemple, dans le
monde de la pesanteur, nous fait chercher l’équilibre,
dans le monde de la vision, la symétrie ; celle aussi qui,
dans tout le domaine de l’art et de la pensée, nous
pousse à circonscrire, à ordonner, à harmoniser l’objet
de notre création ou de notre étude pour jouir ou
comprendre davantage, avec un moindre effort. Le
rythme poétique étant, nous le verrons bientôt, un
de ces moyens d’atteindre, par le moindre effort, aux
plus hauts sommets de l’exaltation humaine, l’homme
n’a rien inventé dont il ait le droit de se montrer plus
fier.
D’où vient-il, ce rythme poétique ? Quelles sont-
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