Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/83

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— Les v’là !… À la soupe, les gars !

Dans un brimbalement de bouteillons et de bidons, c’est en effet la corvée de soupe qui arrive. Bouffioux marche en tête, portant en sautoir un gros chapelet de boules de pain enfilées sur une corde, un plat de rata d’une main et, de l’autre, un bidon à essence qui tient ses cinq bons litres de vin.

Tous les cuistots suivent en file indienne, chargés de bouteillons qu’ils portent à deux, suspendus à une perche, de sacs à patates gonflés d’on ne sait quoi, de plats où la terre dégouline, de seaux de toile, de boules de pain mises en brochettes sur un gourdin, tout un attirail rudimentaire de négresses ravitaillant leur tribu.

Sulphart a tout de suite découvert le bidon que Bouffioux a en bandoulière.

— Bath, y a du cric…

Écrasés contre la paroi qui s’écaille ou rentrés dans nos trous, nous laissons passer la corvée, puis nous entourons notre cuistot et son aide, qui ont posé leur charge. Avidement on découvre les plats.

— Qu’est-ce qu’il y a à becqueter ?

Tout le monde à la fois interroge Bouffioux qui s’éponge.

— T’as les babilles ? Ce que j’en ai ?

— Ce que t’as pensé à m’apporter une bougie et un paquet de trèfle ?

Les deux hommes répondent posément, à petits mots, avec un drôle d’air que j’ai remarqué tout de suite.

— C’est du paquet de pansement, renseigne Bouffioux, on n’a pas touché d’autre viande. J’ai fait du