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VENGEANCE FATALE

Bonjour Pierre, fit-elle, en s’adressant au jeune homme, puis après un court silence elle ajouta : « Tu veux donc toujours travailler comme un enragé, pas un moment de repos ! Mais il faut que cela cesse, tu sais, car je pourrais bien me fâcher à la fin ; ne pas venir me voir un instant dans la journée, cela n’est vraiment pas supportable. D’ailleurs je suppose que les travaux doivent achever, car si je ne me trompe, voilà bientôt une semaine que tu n’a pas quitté la charrue. »

— Tu crois que mon ouvrage va être bientôt terminé ; mais ma chère enfant, je ne fais que commencer. Ce n’est pas une terre de cette étendue que l’on prépare dans si peu de temps. Ah ! si j’étais libre comme toi, je t’assure que tu ne te plaindrais pas de mon manque d’attention ; tu finirais peut-être par être fatiguée de mes visites.

Mais la jeune fille répondit vivement : «  Si c’est là tout ce que tu crains, ne te préoccupe pas davantage. »

— Mais, Mathilde, j’ai appris que tu devais partir pour Montréal, est-ce vrai ?

— En effet je vais passer quelques jours à la ville, mais tu ne t’ennuieras pas, je suppose ; un homme tellement occupé ne saurait penser aux autres, pas même à sa fiancée.

— Méchante ! Tout de même ne sois pas trop longtemps absente.

— Je l’ai dit que je ne pars que pour quelques jours. Mais je veux bien que tu t’ennuies un peu, cela te fera penser à moi plus souvent.

— Hélas ! c’est ce que je fais jour et nuit, mais plus je pense à toi et plus je me trouve seul et délaissé quand je suis loin de toi, aussi avec quelle hâte et