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L’ACTION

tout l’indépendance de sa pensée » : ils lui promettent « l’impression d’un volume de poésies, aux frais de l’École Sociétaire ».

Rien, désormais, ne peut plus retenir le jeune homme à Bourbon. Il signifie sa volonté à ses parents avec une décision à laquelle ils ne sont pas habitués.

À la fin de l’année 1845 il débarque à Nantes. Il ne s’y arrête qu’un instant. Il a hâte d’arriver à Paris et à l’action.

Quelques mois avant ce coup de théâtre, lorsqu’il se demandait si Bourbon serait le tombeau de sa pensée, il avait dit en songeant à ce lointain Paris : « … Ce que je chercherais à Paris, ce serait une vie plus propice à l’étude et non plus bruyante…[1] » Il se tint parole. Paris, qu’il devait glorieusement chanter plus tard, ne fut jamais pour lui la « capitale des plaisirs », mais bien celle de la pensée, le « cerveau du monde. » Aussi ne se lasse-t-il pas de comparer les supériorités intellectuelles dont Paris lui donne le spectacle avec les médiocrités qu’il avait connues dans cette vie de la province, qui, selon lui, « n’a jamais eu aucune initiative intellectuelle ni politique ».

Il boit jusqu’à l’enivrement, la joie d’avoir vingt-huit ans et de débuter dans la vie par des polémiques en vers et en prose, à une minute ou l’opinion publique toute entière est montée à la sonorité de belliqueuses fanfares. Le ton des articles que Leconte de Lisle publie à cette époque dans la Démocratie Pacifique dans la Phalange et dans des recueils plus hardis, tels que : La Justice et le Droit révèlent en lui, non pas seulement un républicain, mais un révolutionnaire, qui ne se vante pas, quand il se déclare « ultra jacobin ».

Le libéralisme timide de la Démocratie Pacifique qui rêve d’amener une révolution sans commotions ni violence, le déconcerte. À travers ces ménagements, Il aperçoit les préoccupations des riches industriels bourgeois par lesquels

  1. Lettre de Bourbon adressée à Rennes à M. Rouffet, 18 janvier 1845.