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LA RELIGION

de l’évolution » qui est chère à Leconte de Lisle. Si elle lui était révélée, il la frapperait d’anathème. Le saint homme se croit sincèrement le détenteur d’une vérité, révélée une fois pour toutes :


« … Le Dieu que j’adore et qui d’un sang divin.
De l’antique Péché lava le genre humain,
Femme, n’a point parlé comme, aux siècles profanes,
Les sophistes païens couchés sous les platanes ;
Et si quelque clarté dans la nuit sombre à lui,
L’immuable lumière éclate seule en lui !…[1] »


D’ailleurs, Cyrille ne s’arrête point indéfiniment à ces démonstrations platoniques. Son but est pratique : il veut gouverner le monde, mater les passions, puis conduire, sous sa houlette, vers le but qu’il estime le meilleur, le troupeau disciplinédes hommes. À l’entendre, ne croirait-on pas écouter, à la veille d’une élection générale, quelque prédicateur ecclésiastique moderne, expliquant, à ses ouailles, que la doctrine chrétienne est « conservatrice », une assurance pour ceux qui possèdent les supériorités de l’autorité et de la richesse, contre les révolutions qui viennent d’en bas ?


« … Et maintenant, regarde, au sein de la tourmente,
L’humanité livrée à la mer écumante ;
Apprends moi dans quel lit assez profond pour lui,
Enfermer ce torrent qui déborde aujourd’hui
Et qui, de jour en jour plus furieux sans doute,
Pour trouver son niveau voudra creuser sa route :
Vaste bouillonnement de désirs, d’intérêts,
D’avide convoitise et de sombres regrets ;…
… Comment briseras-tu ce flot irrésistible ?
Où marques-tu le terme à sa course terrible ?…[2]


Les promesses de l’autorité et de la richesse ne sont d’ailleurs qu’un des arguments par lesquels, Cyrille essaiera d’é-

  1. « Hypatie et Cyrille ». Poèmes Antiques.
  2. lbid.