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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

ceux qui présentent des calices de fiel ; qui savourent les lies ; qui s’écrasent les reins ; qui se flagellent ; qui sont les valets de l’holocauste et de l’éventrement. Elles font surgir, au chevet des moribonds, des visions de terreur.

Lorsque, d’aventure, une salle s’illumine, c’est pour éclairer les ripailles monstrueuses de cette autre variété de moines qui délaissent la folie du bûcher pour les goinfreries du réfectoire :


« Et voici que j’ai vu, par ces rouges éclats,
La table aux ais massifs, qui ployait sous les plats.
Les cruches, les hanaps, les brocs, les écuelles,
Et jetant leurs odeurs brutes et sensuelles,
Les viandes qui fumaient…[1] »


Et le poète n’est guère plus tendre pour les maîtres laïques de la force. Le palais du Louvre n’est évoqué, lui aussi, que dans les ténèbres, le sang, les voluptés maudites. Si une lampe découpe, dans cette obscurité, le carré d’une fenêtre, c’est qu’elle éclaire la luxure en train de déshonorer un oratoire de reine :


« … J’ai vu la Maison des Lys, muette et haute,
Géhenne dont le roi Charles sixième est hôte ;
Et les murs en montaient dans la brume, tout droits,
Mornes, si ce n’était que par rares endroits,
Une rouge lueur du fond des embrasures,
Sortait, comme du sang qui jaillit des blessures.
Et l’une des clartés de ce royal tombeau
Etait la lampe d’ôr de Madame Isabeau…[2] »


Le Roi très chrétien d’Espagne ne vaut pas mieux que le Roi très chrétien de France.

En effet, le triste prototype de la Majesté Catholique du moyen âge que le poète a choisi pour opposer aux « gens de

  1. « Les Paraboles de Dom Guy ». Poèmes Barbares.
  2. Ibid.