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L’HOMME

Jamais, même à l’apogée de sa gloire littéraire, il n’alla assister aux séances académiques sans la permission du bibliothécaire en chef, M. Charles Edmond.[1] »

On n’aurait certes pas choqué Leconte de Lisle en distinguant sous cette exactitude, un fond d’orgueil.

Il a souvent parlé, de cet orgueil là, dans ses lettres de jeunesse. Une envie de dominer, plus forte que sa volonté même, est en lui. Parfois il ne sait plus distinguer s’il est guidé par cet orgueil ou par la modestie.

Dans l’avant propos de ses études critiques au Nain Jaune il s’écrie : « J’ai trop d’orgueil pour être injuste » !

D’autre part, lorsqu’il imagine d’évoquer le Démon en face du Christ, Satan prend le masque de l’Orgueil :


« Écoute ! j’ai nom Force et j’ai nom Volonté.
Ma main tient le licou de l’univers dompté !
Je suis très grand, très fier, et plein d’intelligence,
Et tout est devant moi comme une vile engeance.[2] »


Il y a des minutes où cet orgueil effraie le poète, où il se demande s’il n’est pas une des causes des tourments d’âme où il se débat :


...........« … Suis-je
Quelque antique Orgueil, de ses actes puni,
Qui ne peut remonter à ses sources divines ?…[3] »


Mais ces velléités ne durent guère. Les préférences du poète sont pour les orgueilleux, pour un Lucifer : « le premier rêveur, la plus vieille victime » ; pour un brigand, comme le duc Magnus, renégat de toute foi, de tout serment, qui frappé finalement par le Seigneur, refuse de profiter des dernières chances d’expiation que lui fournit la souffrance :

  1. Charles Fromentin : Figaro, 22 juillet 1894.
  2. « Paraboles de Dom Guy ». Poèmes Barbares.
  3. « La Vision de Brahma ». Poèmes Antiques.