Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/142

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Fomitch. Stupéfait, celui-ci envoya sans retard chercher le colonel.

— Colonel, j’avais une seule question à vous faire : votre résolution de perdre cet idiot est-elle ou non irrévocable ? Dans le premier cas, je me retire immédiatement ; dans le second, je…

— Mais qu’y a-t-il ? s’écria mon oncle épouvanté.

— Ce qu’il y a ? Tout simplement ceci qu’il danse la Kamarinskaïa.

— Eh bien, voyons… qu’est-ce que cela peut faire ?

— Comment, ce que cela peut faire ? cria Foma d’une voix perçante. Et c’est vous qui dites cela ? vous ! leur seigneur et, peut-on dire, leur père ? Ignorez-vous que la chanson raconte l’histoire d’un ignoble paysan lequel, en état d’ébriété, osa l’action la plus immorale ? Savez-vous ce qu’il fit, ce paysan corrompu ? Il n’hésita pas à fouler aux pieds les liens les plus sacrés, à les piétiner de ses bottes de rustre, de ses bottes accoutumées aux planchers des cabarets ? Comprenez-vous maintenant que votre réponse offense les plus nobles sentiments ? Qu’elle m’offense moi-même ? Le comprenez-vous, oui ou non ?

— Mais, Foma, ce n’est qu’une chanson ! Voyons, Foma…