Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/164

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— Nous amuser ! s’écria Foma en s’enflammant soudain, nous amuser ! Mais tout ce que vous savez faire, c’est de l’ennui ! Et savez-vous que votre anecdote est presque immorale ? Je ne parle pas de l’inconvenance, cela va de soi. Vous venez d’avouer, avec la plus rare grossièreté de sentiments, que vous vous étiez moqué d’une noble femme uniquement parce qu’elle n’avait pas eu l’heur de vous plaire. Vous croyiez nous faire rire avec vous, nous faire approuver votre conduite malséante, parce que vous êtes le maître de la maison ? Il vous plaît, colonel, de vous entourer de flatteurs, de compères et de pique-assiettes ; il vous est loisible de les faire venir de fort loin pour augmenter votre cour au grand détriment de la franchise et de la noblesse de l’âme ; mais Foma Fomitch Opiskine ne sera jamais votre courtisan ni votre parasite. Cela, je vous le garantis !...

— Hé ! Foma, tu ne m’as pas compris !

— Non, colonel, je vous ai pénétré depuis longtemps. Vous êtes transparent pour moi. En proie au plus fol amour-propre, vous prétendez à l’esprit, oubliant que l’esprit s’éclipse derrière les prétentions. Vous...