Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/168

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comme moi n’a pas le droit d’être insolent envers un seigneur de naissance comme toi. Mais tout homme est créé à l’image de Dieu. J’ai soixante-deux ans passés. Mon père se souvient de Pougatchov, et mon grand-père fut pendu au même tremble que son maître, Matvéï Nikitich, — Dieu ait leurs âmes ! — par ce même Pougatchov, circonstance à laquelle mon père dut d’être distingué par le défunt maître Afanassi Matvéitch qui en fit d’abord son valet de chambre, puis son maître d’hôtel. Quant à moi, Foma Fomitch, tout domestique que je sois, je n’ai jamais subi une honte pareille !

En prononçant les derniers mots, Gavrilo écarta les mains et baissa la tête. Mon oncle l’observait avec inquiétude.

— Voyons, voyons, Gavrilo, exclama-t-il, allons, tais-toi !

— Ça ne fait rien, dit Foma en pâlissant légèrement et en s’efforçant de sourire. Laissez-le dire. Voilà le fruit de votre enseignement...

— Je dirai tout ! continua Gavrilo avec une animation extraordinaire ; je ne garderai rien ! On peut me lier les mains, on ne m’attachera pas la langue. Même pour moi, vil esclave devant toi, un pareil traitement est une offense. Je dois te