Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/18

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têtes pendant de si longues années était chassée à jamais.

De temps à autre, la générale tombait en syncope, et, dans le remue-ménage qui s’ensuivait, le colonel s’effarait, tremblant comme la feuille.

— Fils cruel ! criait-elle en retrouvant ses sens, tu me déchires les entrailles !… mes entrailles ! mes entrailles !

— Mais, ma mère, qu’ai-je fait ? demandait timidement le colonel.

— Tu me déchires les entrailles ! Il tente de se justifier ! Quelle audace ! Quelle insolence ! Ah ! fils cruel !… Je me meurs !

Le colonel restait anéanti. Cependant, la générale finissait toujours par se reprendre à la vie et une demi-heure plus tard, le colonel, attrapant le premier venu par le bouton de sa jaquette, lui disait :

— Vois-tu, mon cher, c’est une grande dame, une générale ! La meilleure vieille du monde, seulement, tu sais, elle est accoutumée à fréquenter des gens distingués et moi, je suis un rustre. Si elle est fâchée, c’est que je suis fautif. Je ne saurais te dire en quoi, mais je suis dans mon tort.

Dans des cas pareils, la demoiselle Pérépélitzina, créature plus que mûre, parsemée de pos-