Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/391

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cepté de tout son cœur l’opinion de mon oncle, qu’on ne pouvait trop exiger d’un martyr et d’un ex-bouffon, qu’on devait ménager sa susceptibilité. La pauvre Nastenka avait appartenu à la catégorie des « humiliés » et elle s’en souvenait.

Au bout d’un mois, Foma s’était calmé. Il était même devenu doux et bon, mais, en revanche, on vit d’autres accidents se manifester chez lui : il tombait soudain en une sorte de catalepsie qui plongeait tous les assistants dans la plus folle épouvante.

Brusquement, alors que le martyr parlait d’abondance ou même qu’il riait, on le voyait devenir soudain comme figé, pétrifié dans la posture même où il se trouvait au moment de l’accès. Supposons qu’il ait ri : alors, il conservait le sourire aux lèvres. Tenait-il une fourchette ? l’objet restait en sa main levée. Puis, la main s’abaissait d’elle-même, mais Foma Fomitch ne se souvenait de rien, n’avait rien senti. Il restait assis, battant des paupières, mais n’entendant rien, ne comprenant rien, ne disant rien. Et cela durait parfois une heure entière.

Bien entendu, tous les habitants de la maison se mouraient de peur, marchaient sur la pointe des pieds, pleuraient. À la fin, Foma se réveillait,