Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/87

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de la ville. Il portait un habit brun, un pantalon blanc, un gilet paille, des chaussures vernies et une cravate rose, le tout composant évidemment une harmonie voulue et destinée à attirer l’attention sur le goût délicat du jeune élégant. Il avait le teint pâle jusqu’à la verdeur, le nez fort grand et extrêmement blanc, on eût dit en porcelaine. Le sourire de ses lèvres fines exprimait une tristesse distinguée. Ses grands yeux saillants et qui semblaient de verre avaient un air incommensurablement bête en même temps que plein d’afféterie. Ses oreilles minces étaient bourrées de coton, par délicatesse aussi, sans doute, et ses longs cheveux d’un blond fadasse luisaient de pommade. Il avait les mains blanches, propres et comme lavées à l’eau de roses et ses doigts se terminaient par des ongles longs et soignés. Il grasseyait à la mode, faisait des mouvements de tête, soupirait, minaudait et fleurait la parfumerie. De petite taille, chétif, il marchait en pliant les genoux d’une façon particulière qu’il devait estimer le dernier mot de la grâce. En un mot, il était tout imprégné d’exquisité, de coquetterie et d’un sentiment de dignité extraordinaire. Cette dernière circonstance me déplut au premier coup d’œil, je ne sais pourquoi.