Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/92

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un silencieux. Il ne dit pas un mot de tout le thé et restait grave quand tout le monde riait. Mais il ne me parut pas avoir l’air timide annoncé par mon oncle. Au contraire, le regard de ses yeux bruns exprimait la résolution et la fermeté de caractère. C’était un assez beau garçon au teint foncé, aux yeux noirs et très correctement vêtu (au compte de mon oncle, comme je l’ai su plus tard).

Parmi les dames, je fus tout d’abord frappé par la demoiselle Pérépélitzina à cause de sa face livide et méchante. Assise près de la générale, mais légèrement en arrière, par déférence, elle se penchait à chaque instant pour chuchoter à l’oreille de sa bienfaitrice. Deux ou trois personnes âgées et complètement privées du don de la parole, se tenaient près de la fenêtre, les yeux fixés sur la générale, dans l’attente respectueuse d’un peu de thé. Je remarquai aussi une grosse dame d’une cinquantaine d’années, fagotée, fardée et dont les dents avaient cédé la place à quelques chicots noircis, ce qui ne l’empêchait pas de minauder et de faire de l’œil.

Une quantité de chaînes brinquebalaient après elle et elle ne cessait de me lorgner à l’exemple de M. Obnoskine dont elle était la mère. Ma tante,