Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/96

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grand-mère) tombait dans une morne tristesse, voyait venir et sa propre ruine et la fin du monde, pressentant un avenir de misère émaillé de tous les malheurs imaginables. Alors elle se mettait à compter sur ses doigts toutes les calamités qu’elle prophétisait et parvenait à des résultats grandioses. « Il y avait longtemps qu’elle prévoyait tout cela, mais elle était bien forcée de se taire dans cette maison. Ah ! Si seulement on eût consenti à lui témoigner quelque respect, si on l’eût écoutée, etc, etc. » Ces discours trouvaient une véhémente approbation parmi l’essaim des dames de compagnie mené par la demoiselle Pérépélitzina et se voyaient pompeusement revêtus du sceau de Foma Fomitch.

Au moment où j’apparus devant elle, elle faisait une colère du mode silencieux, assurément le plus terrible. Tout le monde la considérait avec appréhension. Seule, Tatiana Ivanovna, à qui tout était permis, jouissait d’une excellente humeur. Mon oncle m’amena près de ma grand-mère avec une extrême solennité, mais, esquissant une moue, elle repoussa sa tasse avec violence.

— C’est ce voltigeur ? marmotta-t-elle entre ses dents à l’adresse de la Pérépélitzina.

Cette question absurde me désempara d’une