Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/15

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n’ouvre pas la commode… Par conséquent, il y a encore quelque caisse ou quelque coffre-fort… Voilà qui est curieux. Les clefs des coffres-forts ont généralement cette forme… Mais, du reste, comme tout cela est ignoble… »

La vieille reparut.

— Voici, batuchka : si je prends une grivna[1] par mois et par rouble, sur un rouble et demi j’ai à prélever quinze kopecks, l’intérêt étant payable d’avance. De plus, comme vous me demandez d’attendre encore un mois pour le remboursement des deux roubles que je vous ai déjà prêtés, vous me devez, de ce chef, vingt kopecks, ce qui porte la somme totale à trente-cinq. J’ai donc à vous remettre, sur votre montre, un rouble quinze kopecks. Voici, prenez.

— Comment ! Ainsi vous ne me donnez maintenant qu’un rouble quinze kopecks ?

— Vous n’avez rien de plus à recevoir.

Sans discuter, le jeune homme prit l’argent. Il regardait la vieille et ne se hâtait pas de s’en aller. Il semblait avoir envie de dire ou de faire encore quelque chose, mais lui-même ne paraissait pas savoir au juste quoi…

— Peut-être, Aléna Ivanovna, vous apporterai-je prochainement un autre objet… un porte-cigarettes… en argent… très joli… quand un ami à qui je l’ai prêté me l’aura rendu…

Il prononça ces mots d’un air fort embarrassé.

— Eh bien, alors, nous en recauserons, batuchka.

— Adieu… Et vous êtes toujours seule chez vous, votre sœur ne vous tient pas compagnie ? demanda-t-il du ton le plus indifférent qu’il put prendre, au moment où il entrait dans l’antichambre.

— Mais que vous importe ma sœur, batuchka ?

— C’est vrai. Je faisais cette question sans y attacher d’importance. Tout de suite vous… Adieu, Aléna Ivanovna !

  1. Pièce de dix kopeks.