Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/112

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leva, fit signe à Sonia de se rasseoir et retint André Sémépovitch au moment où celui-ci allait sortir.

— Raskolnikoff est là ? Il est arrivé ? lui demanda-t-il à voix basse.

— Raskolnikoff ? Oui. Eh bien, quoi ? Oui, il est là… Il vient d’arriver, je l’ai vu… Eh bien ?

— En ce cas, je vous prie instamment de rester ici et de ne pas me laisser en tête-à-tête avec cette… demoiselle. L’affaire dont il s’agit est insignifiante, mais Dieu sait quelles conjectures on ferait. Je ne veux pas que Raskolnikoff aille raconter … Vous comprenez pourquoi je vous dis cela ?

— Ah ! je comprends, je comprends ! répondit Lébéziatnikoff. Oui, vous êtes dans votre droit. Sans doute, dans ma conviction personnelle, vos craintes sont fort exagérées, mais… n’importe, vous êtes dans votre droit. Soit, je resterai. Je vais me mettre près de la fenêtre, et je ne vous gênerai pas. À mon avis, c’est votre droit.

Pierre Pétrovitch revint s’asseoir en face de Sonia et la considéra attentivement. Puis son visage prit soudain une expression très-grave, presque sévère même : « Vous non plus, mademoiselle, n’allez pas vous figurer des choses qui ne sont pas », avait-il l’air de dire. Sonia perdit définitivement contenance.

— D’abord, excusez-moi, je vous prie, Sophie Séménovna, auprès de votre très-honorée maman… Je ne me trompe pas en m’exprimant ainsi ? Catherine Ivanovna vous tient lieu de mère ? commença Pierre Pétrovitch d’un ton très-sérieux, mais, du reste, assez aimable. Évidemment, il avait les intentions les plus amicales.

— Oui, en effet, oui, elle me tient lieu de mère, se hâta de répondre la pauvre Sonia.

— Eh bien, veuillez lui dire combien je regrette que des circonstances indépendantes de ma volonté ne me permettent pas d’accepter sa gracieuse invitation.