Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

a produit un effet indescriptible. Voilà pourquoi Sophie Séménovna a été invitée à se rendre aujourd’hui même à l’hôtel ***, où la barinia en question loge provisoirement depuis son retour de la campagne.

— N’importe, je passerai tout de même chez elle.

— Libre à vous, seulement je ne vous y accompagnerai pas : à quoi bon ? Dites donc, je suis sûr que si vous vous défiez de moi, c’est parce que j’ai eu jusqu’ici la délicatesse de vous épargner des questions scabreuses… Vous devinez à quoi je fais allusion ? Je gagerais que ma discrétion vous a paru extraordinaire ! Soyez donc délicat pour en être ainsi récompensé !

— Vous trouvez délicat d’écouter aux portes ?

— Ha ! ha ! j’aurais été bien surpris que vous n’eussiez pas fait cette observation ! répondit en riant Svidrigaïloff. Si vous croyez qu’il n’est pas permis d’écouter aux portes, mais qu’on peut à son gré assassiner les vieilles femmes, comme les magistrats pourraient n’être pas de cet avis, vous ferez bien de filer au plus tôt en Amérique ! Partez vite, jeune homme ! Il est peut-être encore temps. Je vous parle en toute sincérité. Est-ce l’argent qui vous manque ? Je vous en donnerai pour le voyage.

— Je ne pense nullement à cela, reprit avec dégoût Raskolnikoff.

— Je comprends : vous vous demandez si vous avez agi selon la morale, comme il sied à un homme et à un citoyen. Vous auriez dû vous poser la question plus tôt, à présent elle est un peu intempestive, eh ! eh ! Si vous croyez avoir commis un crime, brûlez-vous la cervelle ; n’est-ce pas ce que vous avez envie de faire ?

— Vous vous appliquez, me semble-t-il, à m’agacer dans l’espoir que je vous débarrasserai de ma présence…

— Original que vous êtes, mais nous sommes arrivés, donnez-vous la peine de monter l’escalier. Tenez, voici