Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/254

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— Vous avez eu tant de bontés pour les orphelins, pour la défunte et pour moi… balbutia Sonia, — si je vous ai à peine remercié jusqu’à présent, ne croyez pas…

— Allons, assez, assez !

— Quant à cet argent, Arcade Ivanovitch, je vous suis bien reconnaissante, mais je n’en ai pas besoin maintenant. N’ayant plus que moi à nourrir, je me tirerai toujours d’affaire. Ne m’accusez pas d’ingratitude si je refuse votre offre. Puisque vous êtes si charitable, cet argent…

— Prenez-le, Sophie Séménovna, et, je vous en prie, ne me faites pas d’objections, je n’ai pas le temps de les entendre. Rodion Romanovitch n’a que le choix entre deux alternatives : se loger une balle dans le front ou aller en Sibérie…

À ces mots, Sonia se mit à trembler et regarda avec effarement son interlocuteur.

— Ne vous inquiétez pas, poursuivit Svidrigaïloff. J’ai tout appris de sa propre bouche, et je ne suis pas bavard ; je ne le dirai à personne. Vous avez été bien inspirée en lui conseillant d’aller se dénoncer. C’est de beaucoup le parti le plus avantageux qu’il puisse prendre. Eh bien, quand il ira en Sibérie, vous l’y accompagnerez, n’est-ce pas ? En ce cas, vous aurez besoin d’argent ; il vous en faudra pour lui, comprenez-vous ? La somme que je vous offre, c’est à lui que je la donne par votre entremise. De plus, vous avez promis à Amalia Ivanovna d’acquitter ce qui lui est dû. Pourquoi donc, Sophie Séménovna, assumez-vous toujours si légèrement de pareilles charges ? La débitrice de cette Allemande, ce n’était pas vous, c’était Catherine Ivanovna : vous auriez dû envoyer l’Allemande à tous les diables. Il faut plus de calcul dans la vie… Allons, si demain ou après-demain quelqu’un vous interroge à mon sujet, ne parlez pas de ma visite et ne dites à personne que je vous ai donné de l’argent. Et maintenant au revoir. (Il se leva.) Saluez de ma part Rodion Romanovitch. À propos : vous