Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/301

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Plus tard, il est vrai, ces entrevues étaient devenues pour lui une habitude, presque un besoin, à ce point qu’il avait été fort triste lorsqu’une indisposition de quelques jours avait obligé Sonia d’interrompre ses visites. Les jours fériés, ils se voyaient soit à la porte de la prison, soit au corps de garde où l’on envoyait pour quelques minutes le prisonnier quand elle le faisait appeler ; en temps ordinaire, elle allait le trouver au travail, dans les ateliers, dans les briqueteries, dans les hangars établis sur les bords de l’Irtych. En ce qui la concernait, Sonia disait qu’elle avait réussi à se créer des relations dans sa nouvelle résidence, qu’elle s’occupait de couture, et que, la ville ne possédant presque aucune modiste, elle s’était déjà fait une assez jolie clientèle. Ce qu’elle ne disait pas, c’était qu’elle avait appelé sur Raskolnikoff l’intérêt de l’autorité, que grâce à elle on le dispensait des travaux les plus pénibles, etc. Enfin Razoumikhine et Dounia reçurent avis que Raskolnikoff fuyait tout le monde, que ses compagnons de captivité ne l’aimaient pas, qu’il restait silencieux durant des journées entières et devenait fort pâle. Déjà Dounia avait remarqué une certaine inquiétude dans les dernières lettres de Sonia. Soudain celle-ci écrivit que le condamné était tombé gravement malade, et qu’il avait été mis à l’hôpital de la prison…

II

Il était malade depuis longtemps déjà ; mais ce qui avait brisé ses forces, ce n’étaient ni les horreurs de la captivité, ni le travail, ni la nourriture, ni la honte d’avoir la tête rasée et d’être vêtu de haillons : oh ! que lui importaient toutes ces tribulations, toutes ces misères ? Loin de là, il était