Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/52

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en se frappant la tête contre les murs, comme aujourd’hui, les enfants pleureront… Catherine Ivanovna tombera sur le pavé, on la transportera au poste, puis à l’hôpital où elle mourra, et les enfants…

— Oh, non !… Dieu ne permettra pas cela ! proféra enfin Sonia d’une voix étranglée.

Jusqu’alors elle avait écouté en silence, les yeux fixés sur Raskolnikoff, et les mains jointes dans une prière muette, comme s’il eût pu conjurer les malheurs qu’il prédisait.

Le jeune homme se leva et commença à marcher dans la chambre. Une minute s’écoula. Sonia restait debout, les bras pendants, la tête baissée, en proie à une souffrance atroce.

— Et vous ne pouvez pas faire des économies, mettre de l’argent de côté pour les mauvais jours ? demanda-t-il en s’arrêtant soudain devant elle.

— Non, murmura Sonia.

— Non, naturellement ! Mais avez-vous essayé ? ajouta-t-il non sans une certaine ironie.

— J’ai essayé.

— Et vous n’avez pas réussi ! Allons, oui, cela se comprend ! Inutile de le demander.

Et il reprit sa promenade dans la chambre, puis, après une seconde minute de silence :

— Vous ne gagnez pas d’argent tous les jours ? fit-il.

À cette question, Sonia se troubla plus que jamais, ses joues s’empourprèrent.

— Non, répondit-elle à voix basse avec un douloureux effort.

— Sans doute il en sera de même de Poletchka, dit-il brusquement.

— Non, non ! Ce n’est pas possible, non ! s’écria Sonia, atteinte au cœur par ces paroles comme par un coup de poignard. Dieu, Dieu ne permettra pas une telle abomination !…